Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/174

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et promettoit sur Revel qu’on trouveroit des expédients pour aplanir la difficulté de cet article. La cession de Stettin et de son district étoit ce qui touchoit le plus le roi de Prusse. Goertz disoit qu’il n’avoit pouvoir d’y consentir qu’à condition que le roi de Prusse promettroit en même temps la restitution de toutes les conquêtes de ses alliés, excepté Pétersbourg. C’étoit un engagement qu’il étoit impossible que le roi de Prusse pût prendre. Le czar avoit déclaré positivement qu’à l’exception de la Finlande, il ne restitueroit absolument rien. Il avoit particulièrement dit qu’il vouloit la Livonie et qu’il feroit la guerre plutôt vingt ans encore que de changer quoi que ce soit à la résolution qu’il avoit prise.

Goertz augmenta les difficultés en déclarant qu’il ne feroit pas un seul pas dans la négociation si la démolition des fortifications de Wismar n’étoit suspendue. Le roi de Prusse, qui le connoissoit bien, lui fit offrir cent mille écus ; mais pour cette fois ce moyen si sûr avec lui ne réussit pas, et on jugea que Goertz avoit pris ailleurs des engagements dont il croyoit tirer davantage ; le soupçon fut que c’étoit avec le roi de Pologne. En effet, Goertz demeuroit en Pologne pendant la négociation ; il refusa de se trouver à une conférence avec les ministres de Russie et de Prusse, qui devoit se tenir près de Berlin. Il partit brusquement sans dire adieu, sans avertir, sans déclarer où il vouloit aller, se rendit à Breslau, terre fort suspecte dans ses conjonctures pour le roi de Prusse et pour ses alliés, parce que le roi d’Angleterre avoit averti l’empereur que le czar avoit offert à la France d’attaquer les États héréditaires de la maison d’Autriche, si le régent vouloit donner des subsides pour entreprendre et pour soutenir cette guerre, qui auroient été bien mieux employés que ceux que l’abbé Dubois lui fit donner bientôt après contre l’Espagne. L’avis ajoutoit que la proposition s’étoit faite avant la prise de Belgrade qui avoit fait changer de ton au czar. Mais c’en étoit bien plus qu’il ne falloit pour le rendre suspect à Vienne, et pour faire craindre à ce prince