Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/20

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démarche, n’oublia rien pour donner de la crainte à cet envoyé, des négociations secrètes du roi de Sicile avec l’empereur, de la mauvaise foi des Autrichiens, de l’ambition et de la puissance de leur maître.

L’Angleterre, en effet, n’étoit guère en état de se mêler beaucoup du dehors par les embarras du dedans. Le prince de Galles cabaloit ouvertement contre le roi son père, et faisoit porter contre Cadogan des accusations au parlement. Tout y étoit en mouvement sur celles du comte d’Oxford, prêtes à être jugées. Les ennemis de la cour, qui faisoient le plus grand nombre, étoient affligés de son union avec le régent, qui obtint enfin du czar, si pressé d’ailleurs, la sortie des troupes du pays de Mecklembourg, et des assurances de témoignages d’amitié pour le roi d’Angleterre qui, non plus que ses ministres, n’y compta guère, mais qui le ménageoit pour tâcher d’effacer les sujets qu’il lui avoit donnés de mécontentement et de plaintes.

Ils en étoient d’autant plus inquiets que le czar avoit été voir la reine douairière d’Angleterre, et avoit paru touché de son état et de celui du roi Jacques son fils. Les suites que cette compassion pouvoit avoir alarmèrent Stairs. Il prit une audience du czar, à qui il dit merveilles de l’estime et des intentions du roi d’Angleterre à son égard. Il vit après Schaffirof avec les mêmes protestations, et lui parla des troupes du Mecklembourg. Schaffirof se contenta de lui répondre qu’il en rendroit compte au czar, sans lui montrer que la résolution de la sortie de ces troupes étoit prise et l’ordre envoyé. Il conseilla à son maître de se faire un mérite auprès du roi d’Angleterre d’une affaire faite. Le czar le crut, et Schaffirof écrivit en conséquence à Stairs. Schaffirof avertit aussi l’envoyé de Prusse de l’ordre envoyé à ces troupes. Ainsi ils eurent l’adresse de faire valoir au régent et au roi d’Angleterre l’exécution d’une résolution, que la crainte de se voir tomber une puissante armée sur les bras ne leur avoit plus permis de différer.