Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/221

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de l’essai, que je lui dis que le plaisir de l’entretenir plus librement me feroit passer sur la honte du mauvais latin et de tous les solécismes. Nous renvoyâmes l’interprète, et depuis nous nous vîmes toujours seuls et parlions latin.

Après plusieurs discours sur la cour, le gouvernement d’Espagne, et quelques-uns aussi sur celui de France et sur les personnages, où nous parlions avec confiance, il me mit sur la constitution, et ne pouvoit revenir de la frénésie française qui là-dessus l’étonnoit au dernier point : « Hélas ! me dit-il, que vos évêques se gardent bien de faire comme nous. Peu à peu Rome nous a, non pas subjugués, mais anéantis au point que nous ne sommes plus rien dans nos diocèses. De simples prêtres inquisiteurs nous font la leçon : ils se sont emparés de la doctrine et de l’autorité. Un valet nous apprend tous les jours qu’il y a une ordonnance de doctrine ou de discipline affichée à la porte de nos cathédrales, sans que nous en ayons la moindre connoissance. Il faut obéir sans réplique. Ce qui regarde la correction des mœurs est encore de l’inquisition. Les matières de l’officialité, il ne tient qu’à ceux qui y ont affaire de laisser les officialités et d’aller au tribunal de la nonciature, ou s’ils ne sont pas contents des officialités, d’appeler de leurs jugements au nonce, en sorte qu’il ne nous reste que l’ordination et la confirmation sans aucune sorte d’autorité, et que nous ne sommes plus évêques diocésains. Le pape est diocésain immédiat de tous nos diocèses, et nous n’en sommes que des vicaires sacrés et mitrés uniquement pour faire des prêtres et des fonctions manuelles, sans oser nous mêler que d’être aveuglément soumis à l’inquisition, à la nonciature, à tout ce qui vient de Rome, et s’il arrivoit à un évêque de leur déplaire en la moindre chose, le châtiment suit incontinent, sans qu’aucune allégation ni excuse puisse être reçue, parce qu’il faut une soumission muette et de bête. La prison, l’envoi liés et garrottés à l’inquisition, souvent à Rome, sont des exemples devenus rares, parce qu’ils ont