Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/228

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et à la reine, et que la même chose arriveroit s’il venoit à mourir, parce que le testament qu’il avoit fait leur étoit en tout favorable. Les grands et les peuples anéantis, les conseils pour le moins autant, sans talents, sans moyens, sans courage pour s’affranchir du joug d’Albéroni, maître des troupes et des finances ; d’ailleurs, nulle espérance du prince des Asturies, tendrement aimé des Espagnols, qui se flattoient d’apercevoir en lui de bonnes qualités. Mais c’étoit un enfant, élevé dans la crainte, tenu de fort court par un gouverneur italien perdu d’honneur et de réputation sur tous chapitres, dont le plus grand mérite étoit d’empêcher que qui que ce soit ne pût parler ni même approcher du prince ; capable de tout pour augmenter sa fortune, et qu’on ne doutoit pas qu’il ne fût vendu à la reine, même au cardinal, quoique faisant profession de le mépriser. Ce gouverneur étoit le duc de Popoli, dont j’aurai lieu de parler davantage si j’ai le temps d’écrire jusqu’à mon ambassade. Albéroni, en attendant, se plaignoit audacieusement de son sort, disoit qu’il n’étoit retenu d’abandonner le chaos des affaires que par sa tendresse pour le roi et la reine d’Espagne ; qu’il trouvoit à la vérité des ressources dans la monarchie, et se livroit à des comparaisons pompeuses, et à se donner de l’encens, et jusque de l’encensoir.

Les galions arrivèrent tout à la fin de cette année 1717, fort richement chargés, et apportèrent pour le compte du roi d’Espagne dix-huit cent mille piastres, secours arrivé fort à propos dans une conjoncture où on ne voyoit point d’alliés à l’Espagne, pour les entreprises qu’elle méditoit.

Albéroni s’épuisoit en vain pour s’attirer l’union des Hollandois. Il les prenoit par l’intérêt de leur commerce, par la crainte de la puissance et des desseins de l’empereur, par la honte de leur servitude des Anglois, par leur opinion que Georges ne se pouvoit maintenir sur le trône sans l’assistance de la France et la leur. Ce même roi, il le regardoit comme le plus grand ennemi du roi d’Espagne, qui, par son