Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/233

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d’un mystère si long à son égard, qui ne pouvoit lui annoncer rien que de mauvais. Stanhope y répondit qu’il étoit vrai qu’on avoit quelques espérances de procurer le repos à l’Europe, en particulier à l’Italie, mais si faibles jusqu’alors et si incertaines, qu’il étoit impossible de faire aucun plan et de ne rien dire. La Pérouse représenta que son maître, plein de confiance pour le roi d’Angleterre, auroit dû en espérer un retour réciproque. Il assura que ce prince ne plieroit jamais mal à propos, qu’il hasarderoit tout plutôt que de souffrir une injustice ; que l’Angleterre étoit garante des avantages qu’elle lui avoit procurés par le traité d’Utrecht ; qu’ils étoient proprement le fruit des services qu’il avoit rendus pendant la grande alliance ; qu’ainsi les deux partis tory et whig étoient également engagés à le maintenir dans la possession de la Sicile, qu’il avoit acquise par la protection de l’Angleterre. Stanhope répondit en homme embarrassé et qui craignoit de s’engager. Il mit des révérences à la place des raisons ; dit que pendant le séjour du roi d’Angleterre à Hanovre il avoit agi auprès de l’empereur pour procurer la paix au roi de Sicile, inutilement à la vérité, mais que les ministres piémontois en avoient été avertis. Il ne voulut rien dire de plus précis, et moyennant cette circonspection, il laissa La Pérouse pleinement persuadé que la France et l’Angleterre avoient une égale intention de donner atteinte aux traités d’Utrecht. Il jugea même que le roi d’Espagne ne seroit pas fâché que ces traités fussent enfreints, pour avoir la liberté de recouvrer les États autrefois dépendants de sa couronne, et pour revenir contre ses renonciations à celle de France. Enfin La Pérouse, soufflé d’ailleurs par les émissaires de Penterrieder, se persuada que la France et l’Espagne s’entendoient ensemble et que le régent n’avoit laissé aller Monti à Madrid que pour gagner Albéroni, et qu’il y avoit réussi. Cette opinion néanmoins contredisoit un autre discours tenu quelques jours auparavant. On disoit qu’Albéroni assuroit la cour