Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/260

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des formes inutiles ou qu’on pouvoit sauter, des États neutres et flottants. Mais comme il cherchoit à se concilier tout, il avoit, du temps du feu roi, et cultivé depuis, des liaisons avec ses bâtards, beaucoup plus étroites que nous ne nous en doutions M. le duc d’Orléans et moi.

Cette ignorance, les raisons tirées de ce qui vient d’être expliqué de son caractère et de sa conduite, beaucoup aussi l’éloignement extrême qui étoit entre le parlement et lui dans un temps où il s’agissoit d’avoir le dessus sur cette compagnie, qui se mettoit en état de dominer, me détermina à lui pour les finances et pour les sceaux, afin de lui donner plus d’autorité, et au régent un garde des sceaux en sa main, ferme, hardi, et qui, pour sa propre vade [1], se trouveroit intéressé à ne pas ménager le parlement. Je m’expliquai donc en sa faveur à Law qui goûta infiniment mes raisons, et au régent à qui je les détaillai. La chose demeura entre nous trois et fut bientôt déterminée. Alors je pressai le régent de finir, dans la crainte de quelque transpiration qui déconcertât la résolution prise, et le coup à frapper fut fixé au vendredi 28 janvier pour laisser passer les remontrances du parlement au roi, dont j’ai parlé avant ceci.

Je priai le régent de me permettre d’avertir et de disposer Argenson. Ce n’étoit pas que je fusse en peine qu’il n’acceptât une telle décoration, mais je voulois profiter du moment pour concilier le futur garde des sceaux avec le cardinal de Noailles, et que ce prélat ne perdît au chancelier que tout le moins qu’il se pourroit. Je présentai donc au régent la nécessité de faire entendre à d’Argenson d’avance le parfoit concert, pour ne rien dire de plus, qu’on souhaitoit de lui dans les finances avec Law, et de corriger ce que cela pouvoit avoir d’amer par l’éclat des sceaux. M. le duc d’Orléans le trouva bon, de sorte que je mandai par un billet à d’Argenson le jeudi matin de se trouver chez moi le soir même,

  1. Pour sa propre cause.