Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/276

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Il étoit fils unique de Foucault, conseiller d’État [1], qui s’étoit élevé par les intendances, et qui, par un commerce de médailles, s’étoit fait une protection du P. de La Chaise. Tous deux s’y connoissoient fort, et en avoient ramassé de belles et curieuses collections. Foucault eut ainsi le crédit de faire succéder ce fils à l’intendance de Caen, lorsqu’il la quitta pour une place de conseiller d’État. Les folies que fit Magny dans une place si sérieuse et les friponneries dont il fut convaincu furent si grossières et si fortes, qu’il fut rappelé avec ignominie, et que, n’osant plus se présenter au conseil ni espérer plus aucune fortune de ce côté-là, il se défit de sa charge de maître des requêtes, prit une épée, battit longtemps le pavé, et après la mort du roi essaya de se raccrocher par une charge d’introducteur des ambassadeurs que le baron de Breteuil lui vendit.

C’est à ce titre qu’il se fourra à table à cette fête, et que par ses insolences il se fit mettre deux jours après à la Bastille, après que Mme la duchesse de Berry en eut fait une honnêteté à Madame, parce que Foucault étoit chef de son conseil. Magny, au sortir de la Bastille, eut ordre de se défaire de sa charge, qui avoit besoin d’un homme plus sage auprès des ministres étrangers. La rage qu’il conçut de ce qu’il méritoit et qu’il étoit allé chercher le jeta parmi les ennemis du gouvernement, qui faisoient alors recrue de tout, et qui trouvèrent en lui de l’esprit et beaucoup de hardiesse. Il s’embarqua en tout, et passa bientôt en Espagne. Il y fut bien reçu et bien traité, et quoiqu’il n’eût jamais été que de robe, il fut colonel, et tôt après brigadier. Je m’étends sur lui, parce que je l’y trouvai majordome de

  1. Nicolas-Joseph Foucault, dont il est ici question, avait été intendant dans les généralités de Pau, de Cahors, de Poitiers et de Caen. Il a laissé un journal où il retrace son administration de 1668 à 1709. ce journal inédit fait partie des manuscrits de la Bibliothèque impériale. Il confirme presque toujours ce que Saint-Simon dit de l’administration de Louis XIV et surtout de Louvois. On trouvera un extrait de ce journal dans les notes à la fin du volume.