Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pouvoit l’être dans la situation présente alors de l’Europe, et avec un prince qui, pendant les plus grands malheurs, de la dernière guerre du feu roi pour la succession d’Espagne, avoit, à la Guise, ourdi toutes les perfidies qu’on a vues ici en leur lieu, et les trames les plus funestes au feu roi et à la France, pour élever sa grandeur sur ses ruines ; audace et trahison qui ne se devoit jamais oublier, suivant la sage maxime qui a toujours rendu si redoutable la maison d’Autriche, jusque dans les temps où elle l’a paru le moins, et qui a été le plus ferme appui de sa solide grandeur et de cette espèce de dictature qu’elle a si longtemps et si utilement pour elle exercée en Europe, dont le démembrement d’Espagne n’a pu encore la déprendre.

À l’égard du traitement, il posoit un principe d’exemple dont il sentoit bien tout le faux, mais qu’il entortilloit et replâtroit avec souplesse, parce qu’il n’est rien de si bas que la hauteur, quand elle est grande mais impuissante, ni bassesse qu’elle ne fasse pour parvenir à ses fins. Son grand moyen étoit l’exemple du duc de Savoie, beau-frère comme lui de M. le duc d’Orléans, et qui n’étoit pas de si bonne maison que lui, différence de traitement qu’il ne pouvoit regarder que comme très déshonorante entre deux souverains, égaux d’ailleurs en souveraineté et en proximité, comme étant maris des deux sœurs qui par elles-mêmes avoient le traitement d’Altesse Royale, comme petites-filles de France, qu’il étoit bien dur que la duchesse de Savoie eût communiqué au duc son époux, tandis que lui demeuroit privé du même avantage.

Il tâchoit ainsi de parer à la réponse sur le traitement même qui se présentoit naturellement à lui faire, c’est que Charles II, duc de Lorraine, gendre de Henri II, ne l’avoit jamais eu ni prétendu dans le temps même de la plus grande puissance de la Ligue et des plus grands efforts de Catherine de Médicis pour lui préparer la couronne de France au préjudice de son autre gendre, le véritable héritier, qui a été