Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/284

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troisième ambassadeur à Bade, où la paix de l’empereur, qui avoit tant porté les intérêts du duc de Lorraine, et celle de l’empire avoient reçu leur dernière main, et qu’il pensoit que Saint-Contest étoit celui qu’il pouvoit choisir comme le plus instruit et le plus propre à travailler au traité, comme commissaire du roi, avec ceux du duc de Lorraine et en rendre compte après au conseil de régence.

L’affaire n’étoit pas assez friande pour tenter le maréchal d’Huxelles ni pour lui donner de la jalousie, ravi qu’il fait de tirer son épingle du jeu pour fronder après tout à son aise avec son ami M. du Maine, qui ne demandoit pas mieux qu’à voir faire au régent des choses qu’on pût justement lui reprocher, tandis qu’il lui cherchoit des crimes dans les plus innocentes, même dans les plus utiles. Huxelles approuva et mit le régent fort à l’aise.

Saint-Contest étoit l’homme qu’il lui falloit pour ne chercher qu’à lui plaire et ne regarder à rien par delà. Il avoit de la capacité et de l’esprit, infiniment de liant, et sous un extérieur lourd, épais, grossier et simple, beaucoup de finesse et d’adresse, une oreille qui entendoit à demi-mot, un désir de plaire au-dessus de tout qui ne laissa rien à souhaiter au régent ni au duc de Lorraine dans tout le cours de cette affaire, qui ne fut pas long.

Lorsqu’elle fut bien avancée, M. le duc d’Orléans, à qui il en rendoit souvent compte, songea à s’assurer des principaux du conseil de régence. Les princes du sang, avides pour eux-mêmes, et d’ailleurs n’entendant rien et ne sachant rien, n’étoient pas pour lui résister ; les bâtards pincés de si frais et qui craignoient pis, encore moins, outre la raison qui vient d’être touchée sur le duc du Maine ; le garde des sceaux, à peine en place, ne songeoit qu’à s’y conserver ; le maréchal de Villeroy, qui auroit eu là de quoi exercer dignement son amertume, étoit tenu de court dans cette affaire par son beau-frère le grand écuyer, devant lequel de sa vie il n’avoit osé branler. Tallard, son protégé, étoit