Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/367

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maison de France, parce que Naples et Milan seroient trop exposés si un des fils de la reine d’Espagne avoit la Toscane avec Parme et Plaisance. Quoique ces dispositions ne fussent pas telles qu’il étoit nécessaire pour conclure, et que Cellamare fût persuadé que l’empereur ne cherchoit qu’à suspendre les entreprises du roi d’Espagne, gagner temps et faire sa paix avec le Turc, amuser et cependant se mettre en état d’envahir les princes d’Italie, montrer en attendant que les difficultés ne venoient pas de sa part, et que, si les médiateurs devoient tourner leurs armes contre celui qui rejetteroit les propositions d’un accommodement raisonnable, ce n’étoit pas contre lui qu’elles se devoient employer ; cet ambassadeur conseilloit au roi son maître de se comporter comme s’il écoutoit les propositions de la cour de Vienne, de peur qu’en les rejetant, il lui laissât l’avantage de persuader le monde que les Impériaux étoient véritablement dociles, et que les refus et l’opiniâtreté venoit des Espagnols. Cette maxime, bien suivie, lui paraissoit une base solide pour établir sur elle à l’avenir des prétentions et des demandes plus essentielles. Il ajoutoit que cette conduite ne pouvoit engager le roi d’Espagne au delà de ce qu’il voudroit, parce qu’il seroit toujours le maître d’éloigner la conclusion tant qu’il voudroit, en demandant des sûretés que vraisemblablement ses ennemis ne lui accorderoient pas ; que, par ce refus, il feroit retomber sur eux la haine de voir échouer une négociation regardée comme nécessaire pour assurer la tranquillité générale ; que si, contre son opinion, ses ennemis consentoient aux sûretés qu’il leur demanderoit, il profiteroit par là des avantages qui lui seroient accordés.

Cellamare, inquiet des bruits du mariage du prince de Piémont avec une fille du régent, en parla à Provane, qui lui dit franchement n’en avoir pas fait la moindre insinuation ; que les intérêts d’État, non les liens du sang, formoient les chemins qui unissent les princes ; et que les mariages se faisoient à la fin non au commencement des comédies et des poèmes.