Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/379

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forcé à le nommer sur le refus d’un autre. On délibéra ensuite sur la conduite à tenir avec le roi d’Espagne. Il fut résolu que le pape lui écriroit un bref plus doux que celui du 25 août, que ce prince avoit refusé de recevoir, et qu’il seroit ordonné au nonce Aldovrandi de prendre si bien ses mesures que ce bref parvînt entre les mains de Sa Majesté Catholique.

Albéroni, bien averti de toutes ces délibérations, étoit maître d’empêcher Aldovrandi de présenter aucun bref sans en avoir auparavant communiqué la copie, ainsi qu’on en usait en France et à Vienne. Le ministre d’Espagne pouvoit rejeter le bref ou bien y faire une réponse peu satisfaisante pour Sa Sainteté, mais ce dernier parti n’auroit pas été le plus désagréable pour le pape, parce que, recevant une réponse dure, il en auroit fait usage pour se justifier auprès de l’empereur de la partialité qu’il lui reprochoit ; et véritablement les Allemands n’étoient pas les seuls qui, raisonnant sur le véritable intérêt du saint-siège et de l’État ecclésiastique, croyoient que le pape regarderoit intérieurement comme son salut d’être aidé par l’Espagne ; qu’il avoit voulu seulement que le public trompé pût croire que les secours qu’il recevroit lui seroient donnés contre sa volonté, et que la source de ce ménagement étoit la crainte que, les Espagnols ne réussissant pas, toute la fureur allemande ne retombât sur lui. Ils demandoient pressement qu’Aldovrandi fût châtié, le regardant comme le promoteur et le confident de l’intelligence secrète qu’ils supposoient entre le pape et le roi d’Espagne. Sa Sainteté, toujours occupée de ménager les deux partis autant que la crainte du plus fort le lui pouvoit permettre, vouloit par cette raison complaire aux Impériaux par quelque mortification légère à son nonce, sans toutefois le rappeler par considération pour la cour d’Espagne, comme le vouloit celle de Vienne. Le pape crut avoir trouvé ce tempérament en changeant là disposition qu’il avoit faite du neveu d’Aldovrandi