Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/400

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Peterborough, nouvellement sorti des prisons du pape, vint à Paris dans ces circonstances. Cellamare ne manqua pas de le voir, et crut ne pouvoir mieux employer son éloquence qu’à le persuader que l’Angleterre devoit éviter avec soin de rompre avec l’Espagne. Peterborough convint de tout ce que lui dit Cellamare, il lui promit même de soutenir fortement les intérêts de l’Espagne quand il seroit en Angleterre. Il ne se contraignit point sur les sujets qu’il avoit de se plaindre de la cour de Vienne ; mais Cellamare s’aperçut cependant qu’il battoit la campagne, et qu’il y avoit aussi peu de fondement à faire sur ses raisonnements que sur ses promesses. Comme il perdoit peu à peu l’espérance d’interrompre le cours et d’empêcher le succès de la négociation de Londres, il crut devoir faire de nouveaux efforts en France pour détourner le régent de la suivre. Il représenta que le voyage de Nancré étoit inutile, que ses propositions seroient mal reçues. Il confioit à ses amis que l’air que la cour de Madrid respiroit n’étoit que de guerre. Monti, qui en arrivoit nouvellement, parla en même sens au régent. Il lui répondit qu’il avoit nouvellement combattu pour procurer au roi d’Espagne les conditions meilleures et les plus avantageuses, et qu’il ne falloit pas exposer au hasard d’une guerre ce qu’on pouvoit obtenir par un traité.

Albéroni raisonnoit différemment. Le duc de Parme lui représentoit souvent qu’il ne falloit pas se laisser endormir par les Impériaux, et le persuadoit aisément que, si l’Espagne leur donnoit le temps de s’établir en Italie, ils le feroient de manière que bientôt ils se trouveroient maîtres d’exécuter toutes les résolutions violentes qu’il leur plairoit de prendre. Ce raisonnement étoit depuis longtemps celui d’Albéroni, et, pour engager la France à s’y conformer, il disoit qu’elle suivoit une politique non seulement fausse, mais pernicieuse, même mortelle, en regardant comme un acte de prudence et d’habileté d’éviter de prendre les armes hors les cas de nécessité forcée. Il s’étendoit en raisonnements