Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/417

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nul ménagement de Giudice déclaré son ennemi capital. Mais il s’agissoit alors d’affaires plus importantes pour l’Espagne que celles des querelles et des passions particulières de ces cardinaux. On étoit au commencement de mars, le printemps s’approchoit : Albéroni redoubloit ses soins et son application pour hâter les préparatifs de guerre que le roi d’Espagne faisoit par terre et par nier.

Il n’étoit plus douteux qu’il ne voulût tenter le sort des armes ; il ne l’étoit pas aussi que l’Italie n’en fût l’objet, mais il étoit incertain quelle partie d’Italie ce projet pouvoit regarder. On commençoit à croire que c’étoit le royaume de Naples. Le soin que la cour eut d’en appuyer sourdement le bruit confirma del Maro dans ses premiers soupçons que c’étoit la Sicile qu’Albéroni vouloit envahir. D’autres parloient de Livourne et du duc de Berwick, pour en commander l’expédition, si la France en étoit d’accord ou vouloit bien seulement fermer les yeux. Parmi ces divers bruits, Albéroni laissoit en suspens toutes les affaires que l’Angleterre poursuivoit en Espagne. Il ne s’expliquoit point sur le traité que le roi d’Angleterre proposoit, et comme il prévoyoit des dispositions de la cour d’Angleterre qu’il auroit bientôt lieu de se plaindre d’elle, il suspendoit toutes les affaires particulières qui regardoient le commerce de cette nation. Comme il ne vouloit pas encore faire paroître qu’il fût directement opposé au traité, il chargea Monteléon de dire à l’abbé Dubois, lors à Londres, qu’il prendroit une entière confiance en Nancré quand il seroit à Madrid ; qu’il souhaitoit aussi que l’abbé Dubois sortît avec honneur et gloire de la négociation qu’il avoit entreprise ; mais ce qu’il feroit seroit inutile s’il n’assuroit un parfoit équilibre à l’Europe. Monti, ami particulier d’Albéroni, eut en même temps ordre d’assurer le régent que Nancré, venant de sa part en Espagne, y seroit le bienvenu, et qu’on écouteroit ses commissions. C’étoient des compliments. Albéroni avertit Cellamare que les réponses qu’il avoit faites de la part du