Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/426

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passoit dans la Méditerranée, ce que le roi d’Espagne regarderoit comme rupture ; ce qu’il ne pouvoit plus traiter comme bruits sans fondement par les préparatifs qui se faisoient à Naples et à Lisbonne pour lui fournir des vivres. Avant que d’exécuter ces ordres, l’ambassadeur en fit la confidence à Stanhope qui lui dit que cette déclaration lui paraissoit trop forte, d’ailleurs hors de saison, parce que la nouvelle des préparatifs de Naples et de Lisbonne étoit tout à fait fausse, et que, si le roi d’Angleterre envoyoit une escadre dans la Méditerranée, cela ne signifioit pas qu’il voulût agir contre le roi d’Espagne, parce que l’Angleterre pouvoit avoir aussi ses intérêts particuliers et que personne n’étoit en droit ni en pouvoir de lui ôter la faculté et la liberté d’envoyer ses escadres où bon lui sembloit ; que le départ et la route de cette escadre dépendoit de l’issue de la négociation présente ; que, si le roi d’Espagne examinoit bien ses intérêts, il trouveroit des avantages réels et solides dans le projet du traité qui lui avoit été communiqué, et qu’en ce cas une escadre anglaise dans la Méditerranée, loin de lui faire ombrage, lui seroit utile et deviendroit peut-être à craindre pour ses ennemis. Stanhope ajouta comme un avertissement qu’il donnoit en ami à Monteléon, que, s’il exécutoit aveuglément les ordres qu’il avoit reçus, ils produiroient peut-être un effet tout contraire à ses intentions ; que la déclaration positive qu’il prétendoit faire seroit regardée comme une menace et comme marque d’inconsidération pour l’Angleterre ; qu’il pourroit arriver que la réponse seroit peu agréable ; qu’elle engageroit deux puissances amies à se défier l’une de l’autre ; enfin, à rompre sans sujet et sans nécessité. Monteléon lui répondit que ses ordres ne lui laissoient de liberté que sur la manière de les exécuter ; qu’il le feroit par écrit, qu’il s’expliqueroit en forme de plainte, tendre d’un ami à son ami, sans toutefois altérer la force des raisons qu’il devoit employer et des protestations qu’il avoit ordre de faire, surtout celle de