Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/430

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de Cellamare entièrement conformes à l’esprit et au goût d’Albéroni à qui il cherchoit à plaire, lui en attiroient des louanges. Cet ambassadeur se mit à décrier toutes les conditions du traité qui selon lui n’offroient à l’Espagne que des avantages limités, douteux, éloignés, exposés à des inconvénients sans nombre, pleins de périls et fort chimériques. Non content de s’expliquer publiquement de la sorte à Paris, il écrivit en même sens à Monteléon, et lui conseilla de confier à Corsini ou à quelque autre ministre étranger à Londres, avec un air de mystère, que le roi d’Espagne étoit bien résolu de rejeter constamment le projet du traité. La résolution de l’empereur étoit plus douteuse ; Schaub, secrétaire du comte Stanhope, y avoit été dépêché pour demander et en rapporter une réponse précise. Les ministres d’Angleterre laissoient entendre qu’elle seroit négative et que jamais l’empereur ne consentiroit à la proposition d’assurer les successions de Parme et de Plaisance à un des fils d’Espagne ; mais ils disoient en même temps que, s’il étoit possible de vaincre l’opiniâtreté de la cour de Vienne, il falloit en ce cas lui savoir gré de sa complaisance, et que toute la raison se trouvant de son côté, l’Angleterre ne feroit nulle difficulté de rompre avec l’Espagne et de lui faire la guerre de concert avec le régent si le roi d’Espagne refusoit de signer un traité qui devoit être la tranquillité générale de l’Europe. On ajoutoit que le caractère de poltron étoit de faire des bravades, et que celles d’Albéroni découvroient son caractère. Plusieurs étrangers fort peu au fait trouvoient ces expectatives de successions si avantageuses à l’Espagne qu’ils croyoient un manège caché de propositions bien avantageuses que le roi d’Espagne avoit faites au régent pour l’engager à insister si fort sur ce point.

Le grand-duc, voyant ses plaintes inutiles, et se trouvant sans forces pour les appuyer, se borna à demander au moins que la succession de son État fût après lui et après son fils conservée à l’électrice palatine sa fille, et qu’on réglât par