Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/75

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tranquillement des États qu’il possédoit, et la faculté d’accéder à l’alliance après qu’elle auroit été conclue, croyant que ce monarque, la voyant faite, se désabuseroit des espérances qu’il conservoit apparemment sur la couronne de France.

Un nommé Saint-Saphorin, Suisse du canton de Berne, fort décrié depuis longtemps par plusieurs actions contre l’honneur et la probité, et par ses manèges encore et ses déclamations contre la France, étoit celui dont le roi d’Angleterre se servoit à Vienne, et croyoit se pouvoir confier à lui. Il s’applaudissoit d’avoir su conduire les choses au point où elles en étoient. Il conseilloit de ne pas songer au roi de Prusse, quoique la France le désirât, mais d’attendre que tout fût réglé et d’accord, parce qu’on auroit alors ce prince à bon marché. Il mandoit que la seule proposition d’y faire intervenir le roi de Prusse alarmeroit les Impériaux au point de renverser les bonnes dispositions où les offices du roi d’Angleterre avoient mis l’empereur pour le régent ; que ses ministres avoient déjà dit que, s’ils s’apercevoient que le régent voulût comme les forcer par les alliances qu’il contracteroit dans l’empire, ils rejetteroient toute proposition et prendroient tout autre parti plutôt que de subir la loi qu’on leur voudroit imposer, parce que enfin l’empereur ne s’étoit rendu aux instances du roi d’Angleterre que par considération pour lui, et non par la nécessité de ses affaires ; qu’il étoit même persuadé que, demeurant libre de tout engagement et attendant tranquillement les occasions favorables de faire valoir ses prétentions, il trouveroit des avantages plus grands qu’en se pressant de traiter ; qu’il falloit donc suivre le sentiment de ces ministres de Vienne, achever premièrement l’alliance avec la France et convenir après, de concert, du choix des princes qu’il seroit à propos d’y faire entrer. Alors l’empereur ne s’opposeroit pas à mettre le roi de Prusse dans ce nombre, s’il se gouvernoit bien, mais qu’il falloit compter que l’empereur romproit toute négociation, si l’Angleterre