Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/84

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qu’Albéroni lui devoit, qui étoit encore son ministre à Madrid. Il sut donc enfin sous le dernier secret la véritable destination de l’escadre d’Espagne. Il donna tous les avis qu’il put pour en faciliter les desseins. Il avertit que les préparatifs de Barcelone avoient jeté les ministres impériaux à Naples dans la consternation ; qu’ils connoissoient parfaitement leur faiblesse si le royaume étoit attaqué, et le vœu général des grands et des peuples d’être délivrés du joug des Allemands ; qu’un des ces ministres avoit avoué que l’enlèvement de Molinez étoit insoutenable, que c’étoit une infraction manifeste de la neutralité d’Italie, et qu’elle auroit de fâcheuses suites. Le vice-roi, qui ne vouloit pas montrer leur agitation commune, avoit donné des ordres secrets de fortifier plusieurs places, et redoubla de soins pour la sûreté du royaume. La justice y étoit abolie, le négoce cessé, l’administration et les gouvernements en vente au plus offrant. Le désespoir y étoit, et les vœux peu retenus de voir paroître l’escadre espagnole, et le roi d’Espagne étoit fortement exhorté de profiter de cette conjoncture pendant la campagne de Hongrie. Le duc de Parme appuyoit de toutes ses forces l’avis de la conquête de Naples, par la crainte qu’il avoit de la puissance et des desseins de l’empereur. Il prétendoit qu’elle étoit facile, et n’avoir qu’à s’y présenter pour opérer une révolution subite ; qu’une fois faite, elle se conserveroit aisément parce que les princes d’Italie, gémissants et tremblants sous l’autorité de l’empereur, concourroient tous à la défense quand ils se verroient soutenus, surtout le roi de Sicile, certain de la haine que l’empereur lui avoit jurée, et les Vénitiens enveloppés de tous côtés par les États de l’empereur ; que le pape seroit le premier à s’engager, auquel il exhortoit le roi d’Espagne de donner promptement la satisfaction à laquelle il se bornoit. Ce n’étoit plus ce décret refusé par l’Espagne, mais une simple lettre secrète du roi d’Espagne à lui, par laquelle il désavoueroit, non pas le livre que le duc d’Uzeda avoit fait imprimer il y