Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/98

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avec l’empereur de lui garantir généralement tous les domaines dont il étoit en possession, à l’exception seulement de la Hongrie, ne pouvoit s’empêcher de le secourir lorsque les armes espagnoles l’attaqueroient en Italie. On proposa pour cette commission le général Cadogan, en qui le roi d’Angleterre avoit une confiance particulière, et de faire passer en même temps une escadre dans la Méditerranée, pour donner plus de force à ses discours, ou pour contenir les Espagnols, s’ils vouloient faire quelque entreprise en Italie. Stanhope, alors secrétaire d’État, feignoit d’être ami particulier de Monteléon, et, sous couleur d’amitié, tous ses propos ne tendoient qu’à l’intimider sur les résolutions que le roi d’Angleterre seroit obligé de prendre, et par l’engagement du traité et par les ménagements qu’il devoit comme prince de l’empire, auxquels ses ministres allemands étoient fort attentifs ; que quelques Anglois, des principaux même, s’y laissoient entraîner, se souciant peu du préjudice que le commerce de la nation pourroit souffrir de la rupture avec l’Espagne.

Tandis qu’il lui parloit comme ami, Sunderland lui disoit les mêmes choses avec la hauteur naturelle aux Anglois. Il reprochoit en termes durs à l’Espagne de vouloir allumer une guerre générale. Il l’assura qu’elle ne seroit suivie de personne ; que le régent déclaroit vouloir maintenir la neutralité d’Italie ; que l’Angleterre étoit dans les mêmes sentiments, et particulièrement obligée par son traité de garantie avec l’empereur ; que la Hollande suivroit les traces de l’Angleterre ; que, si l’Espagne comptoit sur des mouvements à Naples, elle devoit savoir qu’on y voudroit changer de gouvernement toutes les semaines ; et que, si le roi de Sicile avoit quelque part aux desseins de l’entreprise de l’Espagne, il auroit bientôt lieu de s’en repentir. On soupçonnoit beaucoup en effet cette prétendue intelligence, parce qu’il n’entroit dans la tête de personne que l’Espagne seule et sans alliés entreprît d’attaquer l’empereur.