Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/105

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Son Altesse Royale. Le régent fut content au dernier point de ce discours d’un homme sur la vérité et la probité duquel on pouvoit compter avec certitude. Il lui dit tout ce qu’il crut de plus honnête en général, et en particulier pour lui, sans entrer en rien sur l’affaire, lui fit beaucoup d’amitiés, et se séparèrent très bien ensemble. La conduite du comte de Toulouse répondit exactement à son discours. Madame étoit à Paris, ainsi M. le duc d’Orléans lui parla lui-même. Pour Mme la duchesse d’Orléans on peut juger, à l’état où elle fut à la chute de son frère au dernier lit de justice, de celui où cette nouvelle la mit.

Le duc de Saint-Aignan étoit, comme on le peut juger, très désagréablement à Madrid, par la situation où les deux cours étoient ensemble, et par la haine qu’Albéroni s’étoit fait un principe d’entretenir en Espagne contre M. le duc d’Orléans, de décrier toutes ses actions, son gouvernement, sa conduite personnelle, ses actions les plus innocentes, et d’empoisonner jusqu’à ses démarches les plus favorables à l’Espagne, et qui tendoient le plus à se la rapprocher. Ce premier ministre ne gardoit plus même depuis longtemps aucunes mesures avec le duc de Saint-Aignan, jusqu’au scandale de toute la cour de Madrid, même des moins bien disposés pour la France. Son ambassadeur ne se maintenoit que par la sagesse de sa conduite, et fut ravi des ordres qui le rappeloient. Il demanda donc son audience de congé, et le prit, en attendant, de tous ses amis et de toute la cour. Albéroni, qui attendoit à tous moments des nouvelles de Cellamare décisives sur la conspiration, vouloit demeurer maître de la personne de l’ambassadeur de France, pour, en cas d’accident, mettre à couvert celle de l’ambassadeur d’Espagne de ce qui lui pouvoit arriver. Il différa donc cette audience de congé sous différents prétextes. À la fin Saint-Aignan, pressé par ses ordres réitérés, et d’autant plus positifs qu’on commençoit à se douter qu’il pourroit arriver dans peu un éclat sur Cellamare, parla ferme au cardinal, et déclara que, si on ne vouloit pas lui accorder son audience de congé, il sauroit