Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/109

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par six lieues de mer des côtes de Vannes, appartenoit à l’abbaye de Sainte-Croix de Quimper. Charles IX la lui ôta et s’en empara, comme il est arrivé souvent à nos rois de faire de ces démembrements en des lieux dangereux et suspects comme l’est cette île par rapport à l’Angleterre, et dans des temps de troubles, de guerres civiles et de religion, comme du temps de Charles IX. Le comte de Retz, en grande faveur auprès du roi et de Catherine de Médicis, sa mère, et depuis maréchal de France, et enfin duc et pair, obtint d’eux Belle-Ile, partie en don, partie en payant, et la fit ériger en marquisat. La position de cette île a souvent donné envie aux rois successeurs de l’acquérir, et il y a eu en divers temps des échanges projetés et même fort avancés, qui n’ont point eu d’exécution. Fouquet, devenu surintendant des finances, en fit l’acquisition de la maison de Retz. À sa disgrâce, Belle-Ile fut adjugée à sa femme pour ses reprises.

Le père du surintendant, de conseiller de Bretagne s’étoit fait maître des requêtes et devint conseiller d’État. Sa femme, mère du surintendant, étoit Maupeou, dont le père étoit intendant des finances. La vertu, le courage, la singulière piété de cette dame, mère des pauvres, et dont le nom vit encore, fut inébranlable à la fortune et aux malheurs de son fils, dont la première dura huit ans et les autres dix-huit. Il mourut dans sa prison de Pignerol en mars 1680, à soixante-cinq ans, et sa vertueuse mère, et qui avoit aussi beaucoup d’esprit, le survécut un an et en avoit quatre-vingt-onze. Il avoit épousé une héritière de Bretagne, qui s’appeloit Fourché, dont il n’eut qu’une fille, mariée en 1657 au comte de Charost, mort duc et pair, etc., dont elle eut le duc de Charost, gouverneur du roi d’aujourd’hui, à la disgrâce du maréchal de Villeroy.

Le surintendant se remaria à la fille unique de Castille, président aux requêtes du palais, et c’est elle à qui Belle-Ile fut adjugée pour ses reprises. Elle eut d’elle Nicolas Fouquet, qui servit quelque temps sous le nom de comte de Vaux, qui étoit considéré pour son mérite, mais qui, par le malheur de son