Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/161

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la place et à toute l’autorité de premier ministre sans embarras au dedans, pour n’avoir à vaincre que sur le chapeau, qui le conduisoit à l’autre, que les difficultés du dehors. Il vouloit de plus se préparer une domination absolue, sans contradiction. Il sentoit quel seroit le cri public, le dépit et l’impétuosité de M. le Duc sur un second maître et de son intimité ; de combien de personnages il seroit escorté dans un mécontentement qui seroit universel. Il y redoutoit les mouvements que le parlement y pourroit faire, à qui, dans un cas si étrange, chacun se réuniroit. Il se proposoit donc de mettre entre ses seules mains la vie et toute la fortune du duc du Maine et de ses enfants et celle de ses complices, pour s’acquérir sur eux l’obligation de leur avoir lui seul rendu le tout, et à ses plus importants croupiers, pour s’en faire une protection sûre contre le cri public et contre les princes du sang, et s’acquérir le parlement, au moins l’arrêter et le rendre neutre et sans mouvement par le crédit du duc et de la duchesse du Maine sur le premier président, qui s’y trouvoit en son particulier tout de son long, et sur les principaux moteurs de la compagnie.

Je ne répondrois pas aussi que, sans s’être commis à confier le fond du sac à M. le duc d’Orléans, il n’ait profité de son incroyable faiblesse, de son insensibilité aux plus cruelles injures encore plus incroyable, de son penchant à ne rien pousser et à des mezzo-termine déplorables, pour lui persuader cette politique à l’égard de tous ceux qui avoient trempé dans le complot ; et que, profitant des sœurs que l’opiniâtre impétuosité de M. le Duc avoit données au régent, lorsqu’il lui força la main au dernier lit de justice sur la destitution du duc du Maine, sur l’éducation du roi, sur un établissement pour M. le comte de Charolois, sur une augmentation d’une pension de cent cinquante mille livres pour soi-même, il n’ait fait comprendre au régent la nécessité indispensable d’une barrière contre la hauteur et l’avidité des prince du sang, et que cette barrière ne se pouvoit