Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/177

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destiné à la parer dans sa prison. J’appelle cela, ajoutai-je, faire un bon et grand parti aux enfants qui sont innocents, et les mettre seulement hors d’état de devenir criminels. »

M. le duc d’Orléans fut un peu ébranlé de ce plan et des raisons qui le soutenoient. Il raisonna assez dessus avec moi. Mais je n’en conçus pas une meilleure espérance. Ce plan, tout juste, tout sage, tout nécessaire qu’il me paraissoit, se trouvoit en contradiction avec le naturel du maître et, qui bien pis, avec les vues et l’intérêt de l’abbé Dubois, et ce valet avoit ensorcelé M. le duc d’Orléans. Je ne me trompai pas. Je retrouvai ce prince s’affaiblissant tous les jours sur cette affaire, de sorte que, content d’avoir fait ce que je croyois de mon devoir à tous égards, je ne lui en parlai plus, et le mis ainsi fort à son aise sur les divers et prompts adoucissements qu’il donna par reprises au duc et à la duchesse du Maine jusqu’à leur liberté, et depuis. Je l’avois pourtant fort flatté sur la distribution de leurs charges et gouvernements, et je lui avois bien déclaré que je ne voulois d’aucun de ces grands morceaux, ni même de leurs cascades, parce que je lui parlois là-dessus sans aucun intérêt.

Je ne songeai donc plus à percer les mystères du complot et des complices que l’abbé Dubois se réservoit à lui seul, ni les dispositions des prisonniers, dont Le Blanc ne me disoit que des riens souvent absurdes, parce qu’il ne lui étoit pas permis de me dire mieux ; mais, après le retour du duc et de la duchesse du Maine en leur précédent état, je n’eus pas de peine à m’apercevoir, par l’amitié qu’ils ont toujours depuis témoignée à Belle-Ile et à Le Blanc, qu’ils les avoient bien et efficacement servis, même auprès de l’abbé Dubois, dont ils avoient très bien suivi l’esprit et imité la politique. Elle réussit si bien que bientôt, c’est-à-dire au commencement d’avril, Mine la Princesse obtint que Mme du Maine, qui faisoit la malade, fût conduite de Dijon à Châlon-sur-Saône, avec la permission de l’y aller voir.

On sut néanmoins en ce même temps par M. le duc d’Orléans,