Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/181

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couple qui se faisoit tant redouter et compter, ne voyoit Mme la duchesse de Berry que pour les moments de représentation qu’elle arrivoit à Luxembourg, dont elle revenoit dès qu’elle étoit finie, et ignoroit parfaitement tout ce qu’il s’y passoit, quoiqu’elle en fût parfaitement instruite.

La grossesse vint à terme, et ce terme mal préparé par les soupers continuels fort arrosés de vins et de liqueurs les plus fortes devint orageux et promptement dangereux. Mme de Saint-Simon ne put éviter de s’y rendre assidue dès que le péril parut, mais jamais elle ne céda aux instances de M. [le duc] et de Mme la duchesse d’Orléans et de toute la maison, ni pour y coucher dans l’appartement qu’on lui avoit toujours réservé, et où elle ne mit jamais le pied, ni même pour y passer les journées, sous prétexte de venir se reposer chez elle. Elle trouva Mme la duchesse de Berry retranchée dans une petite chambre de son appartement, qui avoit des dégagements commodes et hors de portée, et qui que ce fût dans cette chambre que la Mouchy et Rion et une femme ou deux de garde-robe affidées. Le nécessaire au secours avoit les dégagements libres. M. [le duc] et Mme la duchesse d’Orléans, Madame même n’entroient pas quand ils vouloient, à plus forte raison la dame d’honneur ni les autres dames, la première femme de chambre ni les médecins. Tout cela entroit de fois à autre, mais des instants. Un grand mal de tête ou le besoin de sommeil les faisoit souvent prier de vouloir bien ne point entrer, et quand ils entroient de s’en aller après quelques instants. Eux-mêmes, qui ne voyoient que trop de quoi il s’agissoit, ne se présentoient pas le plus souvent pour entrer, se contentoient de savoir des nouvelles par Mme de Mouchy qui entre-bâilloit à peine la porte, et ce manége ridicule qui se passoit devant la foule du Luxembourg, du Palais-Royal, et de beaucoup d’autres gens qui, par bienséance ou par curiosité venoient savoir des nouvelles, devint la conversation de tout le monde.