Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/192

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comme la gouvernante. Mme de Maintenon ne prenoit rien le soir ; quelquefois, dans les fort beaux jours sans vent, elle se promenoit un peu dans le jardin.

Elle nommoit toutes les supérieures, première et subalternes, et toutes les officières. On lui rendoit un compte succinct du courant ; mais, de tout ce qui étoit au delà, la première supérieure prenoit ses ordres. Elle étoit Madame tout court dans la maison, où tout étoit en sa main ; et, quoiqu’elle eût des manières honnêtes et douces avec les dames de Saint-Cyr, et de bonté avec les demoiselles, toutes trembloient devant elle. Il étoit infiniment rare qu’elle en vît d’autres que les supérieures et les officières, encore n’étoit-ce que lorsqu’elle en envoyoit chercher, ou, encore plus rarement, quand quelqu’une se hasardoit de lui faire demander une audience, qu’elle ne refusoit pas. La première supérieure venoit chez elle quand elle vouloit, mais sans en abuser ; elle lui rendoit compte de tout et recevoit ses ordres sur tout. Mme de Maintenon ne voyoit guère qu’elle. Jamais abbesse, fille de France, comme il y en a eu autrefois, n’a été si absolue, si ponctuellement obéie, si crainte, si respectée, et, avec cela, elle étoit aimée de presque tout ce qui étoit enfermé dans Saint-Cyr. Les prêtres du dehors étoient dans la même soumission et dans la même dépendance. Jamais, devant ses demoiselles, elle ne parloit de rien qui pût approcher du gouvernement ni de la cour, assez souvent du feu roi avec éloge, mais sans enfoncer rien, et ne parlant jamais des intrigues, des cabales, ni des affaires.

On a vu que lorsque, après la déclaration de la régence, M. le duc d’Orléans alla voir Mme de Maintenon à Saint-Cyr, elle ne lui demanda quoi que ce soit, que sa protection pour cette maison. Il l’assura, elle, Mme de Maintenon, que les quatre mille livres que le roi lui donnoit tous les mois lui seroient payées de même avec exactitude chaque premier jour des mois, et cela fut toujours très ponctuellement exécuté. Ainsi, elle avoit du roi quarante-huit mille livres de