Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/283

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour six cents personnes. Elle en tint une de cinquante couverts. M. le duc d’Orléans mangea en particulier avec quelques dames qu’il avoit menées. Madame n’y alla point, et Mme la duchesse d’Orléans passa toute cette journée dans sa nouvelle maison de Bagnolet.

Il mourut en ce temps-ci un grand nombre de personnes distinguées ou connues : Marillac, doyen du conseil, en la place duquel Pelletier de Sousi monta. On a vu ailleurs que la conversion forcée des huguenots fit Marillac conseiller d’État, qui étoit intendant à Poitiers, et Vérac, chevalier de l’ordre, qui étoit lieutenant général de Poitou. Marillac fut le dernier de cette famille assez récemment sortie d’un avocat, que l’élévation et les malheurs du garde des sceaux et du maréchal de Marillac, frères, avoient fort décorée.

Mme de Croissy, mère de Torcy, qui étoit fort vieille, mais tout entière de corps et d’esprit, dont elle avoit beaucoup. Elle étoit fille unique de Braud, qui de médecin s’étoit fait grand audiencier [1], après être devenu fort riche. Les ambassades de son mari l’avoient fort accoutumée au grand monde, et la cour ensuite lorsqu’il fut devenu secrétaire d’État ; elle y étoit fort propre. Son goût étoit d’accord avec son génie pour la grande représentation, la magnificence et le jeu, qui l’avoient suivie à Paris dans son veuvage. Elle y tint toujours une grande et florissante maison où la cour, ce qu’il y avoit de meilleur dans la ville, et tous les étrangers de distinction, étoient toujours. Elle excelloit à la tenir et en bien faire les honneurs, avec une politesse et un discernement particulier ; hors de chez elle impérieuse et insupportable. Son démêlé sur un rien, car il ne s’agissoit ni de cérémonial ni encore moins d’affaires, avec la femme du comte Olivencrantz, premier ambassadeur de Suède, et dont

  1. Officier de la grande chancellerie chargé de présenter au sceau les lettres de grâce, de noblesse, etc. Voy., t. X, p. 451, une note sur la manière dont le chancelier et le garde des sceaux tenaient le sceau dans l’ancienne monarchie.