Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/311

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mais bien à l’agrément d’acheter exclusif de tout autre. Pezé donna donc cent vingt mille livres desquelles Nangis donna soixante-cinq mille livres à Saint-Abre, qui, moyennant cette somme, lui céda le gouvernement de Salces, en Languedoc, qu’il avoit. Il étoit de dix mille livres d’appointements, il fut mis à seize mille livres en même temps pour Nangis qui, outre sa pension de six mille livres comme colonel du régiment du roi qui lui fut conservée, en eut une autre pour son frère le chevalier de Nangis, de quatre mille livres, qui étoit capitaine de vaisseau. Saint-Abre eut par le marché une pension du roi de cinq mille livres, dont deux mille livres furent assurées à une de ses filles après lui. Ainsi Nangis tira plus de quinze mille livres de rente de ce qui ne lui avoit jamais rien coûté et qu’il désiroit de vendre, et avec cela fut assez sot pour m’en bouder toute sa vie, et fit le mécontent. Aussi lui et Pezé n’ont jamais été bien ensemble.

Nangis, à force de restes mourants de sa figure passée, devint pour rien chevalier d’honneur de la reine à son mariage, sans cesser de servir, fut chevalier de l’ordre, et quoique sans considération, et ayant paru un très ignorant officier général, son ancienneté parmi les autres pouliée par sa charge, le fit enfin maréchal de France, pour ne point servir et achever sa vie sans considération et comme dans la solitude au milieu de la cour, s’ennuyant et ennuyant les autres, et ne paraissant guère que pour les fonctions journalières de sa charge. Pezé, au contraire, passé en Italie avec le régiment du roi, y montra tant de talents naturels pour la guerre qu’il y saisit d’abord toute la confiance des généraux des armées, et devint en très peu de temps l’âme des projets et des exécutions. Il força par sa valeur et par ses lumières l’envie à lui rendre justice. Il mourut des blessures qu’il avoit reçues à la bataille de Guastalla, avec l’ordre du Saint-Esprit qui lui fut envoyé en récompense de tout ce qu’il avoit fait en Italie, et il alloit rapidement au commandement en chef des armées comme généralement reconnu