Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/364

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les manières et de tout l’extérieur de l’abbé Dubois, même en voulant plaire. Rien de plus gracieux ni de plus agréable que l’énonciation, l’extérieur et toutes les manières de M. le duc d’Orléans, même sans penser à plaire ; cette différence qui fait une impression naturelle sur tout le monde, frappe et affecte encore plus un roi de dix ans. Rien encore de si naturellement glorieux que les enfants, combien plus un enfant couronné et gâté ! Le roi étoit en effet très glorieux, très sensible, très susceptible là-dessus, où rien ne lui échappoit sans le montrer. Dubois ne travailloit point avec lui, mais il le voyoit et lui parloit avec un air de familiarité et de liberté qui le choquoit et qui découvroit aisément le dessein de s’emparer de lui peu à peu, ce que le maréchal de Villeroy et Fréjus encore plus redoutoient comme la mort.

Tous deux faisoient remarquer au roi et lui exagéroient les airs peu respectueux et indécents de l’abbé Dubois à son égard, et l’éloignoient de lui, pour ainsi dire à la tâche, en lui en inspirant de la crainte. Ils n’étoient pas en de meilleures dispositions pour M. le duc d’Orléans. Le maréchal de Villeroy entre le roi et lui, ou le seul Fréjus en tiers, donnoient carrière à sa haine. Mais le roi le craignoit et ne l’aimoit point. L’autorité seule lui donnoit quelque créance, mais faiblement. Fréjus qu’il aimoit et qui avoit captivé et obtenu toute sa confiance, auroit été dangereux s’il avoit aidé le maréchal contre le régent, comme il le secondoit contre Dubois. Mais il se contentoit d’éviter d’être suspect au maréchal, se reposoit sur son bien-dire, sentoit par l’événement du duc du Maine le danger de s’exposer. Il n’imaginoit pas lors qu’une mort si prématurée le porteroit au pouvoir le plus suprême, le plus arbitraire, le plus long, le moins contredit ; mais il ne vouloit pas nuire à ses vues de grandes places et de grand crédit, sous M. le duc d’Orléans, par l’affection du roi, et par elle peu à peu de le faire compter avec lui ; enfin si l’art et la fortune le pouvoient