Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/368

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avec elle et par elle. Le maréchal de Villeroy étoit comme leur chef, il étoit tombé dans le dernier abattement, ainsi que les maréchaux de Villars et d’Huxelles, lorsque M. et Mme du Maine furent arrêtés. Ils y étoient longtemps demeurés ; mais la ridicule issue d’un si grand et si juste éclat, leur avoit rendu quelque petit courage, et Villeroy avoit repris tous ses grands airs et ses tons de roi de théâtre, appuyé de sa place et gâté par les pitoyables ménagements de M. le duc d’Orléans, qui s’en croyoit dédommagé en se moquant de lui en son absence, tandis qu’il en étoit dominé en présence avec la plus méprisante hauteur du maréchal, qui avoit l’audace de s’en parer au public, et de s’en faire valoir au parlement et aux halles où il vouloit toujours représenter M. de Beaufort.

Tout cela pesoit à M. le duc d’Orléans ; il craignoit un ralliement public avec le parlement sur le désordre de Law, qui entraîneroit tout le monde et par l’intérêt particulier et pécuniaire de chacun, et par le fantôme du bien de l’État qu’ils auroient pour eux, et qui tiendroit M. le duc d’Orléans en bride. Je crois que Law, qui sentoit mieux que personne l’état où il avoit mis les finances et son propre danger, et [mieux] que M. le duc d’Orléans même, le lui grossit, et le pressa de songer à le parer à temps, et qu’il s’y fit aider par M. le Duc et par ses autres confidents tels que l’abbé Dubois et autres de l’intérieur. Je dis que je le crois, parce qu’aucun d’eux ne m’en parla, et que je n’ai pu me persuader que, sans une grande et puissante impulsion, M. le duc d’Orléans pût prendre la résolution de chasser le maréchal de Villeroy. C’étoit dans un temps où l’abbé Dubois, qui étoit tout à fait maître, éloignoit ce prince de moi, et où je m’éloignois de lui encore davantage, piqué du retour du duc et de la duchesse du Maine, et indigné de voir Dubois en pleine possession de son esprit. Ainsi tout se passoit tellement sans moi que je n’eus pas la moindre idée qu’il fût question de se défaire du maréchal de Villeroy.