Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/373

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

M. le duc d’Orléans qui étoit l’homme que j’aie connu qui avoit les réponses les plus prêtes à la main, et qui s’embarrassoit le moins, même n’ayant rien qui valût à répondre, fut si surpris ou de la force de mes raisons, ou de la fermeté de mon refus, qu’il resta court et pensif, se promenant la tête basse sept ou huit pas en avant et autant en arrière, parce que ce cabinet étoit fort petit. Je demeurai debout sans le suivre et sans parler, pour laisser opérer ses réflexions que je ne voulois pas troubler par des redites inutiles, puisqu’en effet j’avois tout dit l’essentiel. Ce silence dura assez longtemps : puis il me dit qu’il y avoit bien du bon dans ce que je lui avois exposé, mais que le maréchal de Villeroy étoit tellement devenu insupportable, et que j’étois si fait exprès pour l’emploi en tout sens, sur quoi il s’étendit encore, qu’il avoit bien de la peine à changer d’avis. Les mêmes choses se rebattirent assez longtemps encore ; les propos finirent par me dire que nous nous reverrions là-dessus. Je lui répondis que, pour ce qui me regardoit, cela étoit tout vu de ma part, et que très certainement je ne serois point gouverneur du roi ; qu’à l’égard du maréchal, il prît bien garde aux impulsions d’autrui, et à la sienne propre à lui-même, et qu’il se gardât bien de faire un si grand pas de clerc. Nous n’en dîmes pas davantage. Il m’en reparla près à près deux ou trois autres fois, mais toujours plus faiblement, moi toujours de même, et gagnant toujours du terrain sur lui, jusqu’à ce que, la dernière fois, il convint avec moi qu’il n’y songeroit plus, et qu’il en useroit avec le maréchal de Villeroy comme je le lui avois proposé ; mais il n’en eut pas la force. Il le traita toujours de même, et le maréchal, par conséquent, toujours sur le haut ton avec lui. J’en étois dépité, mais je n’osai lui en faire de reproches, de peur de ranimer l’envie de le chasser. D’ailleurs tout alloit tellement de travers, l’abbé Dubois si fort et si publiquement le maître absolu, que cela joint à la déplorable issue de l’affaire de M. et de Mme du