Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/379

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

visages qu’on pût voir. Ce visage, soutenu de son esprit, donna dans les yeux de Mme de La Baume qui l’épousa. Elle étoit fille unique de M. de Verdun et riche héritière, parce qu’elle étoit restée seule des enfants de son père, qui n’avoit point paru à la guerre ni à la cour, qui étoit riche, et qui avoit beaucoup amassé. Lui et le maréchal de Tallard étoient fils des deux frères, Verdun de l’aîné, et avoit de grandes prétentions contre Tallard, ce qui les engagea à marier leurs enfants.

Le mariage ne dura guère. La Baume, fils aîné du maréchal, et qui promettoit beaucoup, mourut sans enfants des blessures qu’il reçut à la bataille d’Hochstedt, perdue par son père comme on l’a vu en son lieu, n’ayant été marié que six mois. Sa veuve se remaria en 1710 à M. de Pons, à qui elle porta de grands biens et force procès et prétentions, dont ils tourmentèrent tant le maréchal de Tallard, qu’ils en tirèrent à peu près ce qu’ils voulurent. La femme étoit aussi dépiteusement laide que le mari étoit beau, et aussi riche qu’il étoit pauvre ; d’ailleurs autant de gloire, d’esprit, de débit et d’avarice l’un que l’autre. Cette avarice et leur procès l’emporta sur leur gloire ; ils briguèrent la place que Mme de Montmorency-Fosseux quittoit, et l’obtinrent : leurs affaires liquidées, Mme de Pons s’en lassa et s’en retira. Elle étoit très méchante, très difficile à vivre, maîtresse absolue de son mari, dont l’humeur étoit pourtant dominante, et qui régnoit tant qu’il pouvoit sur tous ceux qu’il fréquentoit. Cette humeur peu compatible avec celle de MM. de La Rochefoucauld, moins encore avec tous les secours qu’il en avoit reçus, rendit le commerce rare et froid entre eux, dès qu’il n’en eut plus besoin. Le chevalier de Dampierre, écuyer de M. le Duc, qui étoit Cugnac, bonne noblesse, qui a eu un chevalier du Saint-Esprit en 1595, et lieutenant général d’Orléanois sous Henri IV, présenta la femme de son frère. Cet écuyer imposoit aisément à son maître par l’énormité de sa prestance, beaucoup d’esprit et fort avantageux, quoique