Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/427

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mérite auprès de M. le duc d’Orléans et de lui, et envers le public d’un si bon procédé à l’égard d’un homme qui l’avoit si peu mérité de lui. Il se trompa ; la chair et le sang n’eurent jamais de part à la conduite du cardinal de Noailles. Les vices d’esprit et de cœur et les mœurs si publiques de l’abbé Dubois lui étoient connus. Il eut horreur de contribuer en rien à le faire entrer dans les ordres sacrés. Il sentit toute la pesanteur du nouveau poids dont son refus l’alloit charger de la part d’un homme devenu tout-puissant sur son maître, qui sentiroit dans toute étendue l’insigne affront qu’il recevroit, et quelles en seroient les suites pour le reste de leur vie. Rien ne l’arrêta, il refusa le dimissoire [1] pour les ordres avec un air de douleur et de modestie, sans que rien le pût ébranler, et garda là-dessus un parfoit silence, content d’avoir rempli son devoir, et y voulant mettre tout ce que ce même devoir y pouvoit accorder à la charité, à la simplicité, à la modestie. On peut juger des fureurs où cet affront fit entrer Dubois, qui de sa vie ne le pardonna au cardinal de Noailles, lequel en fut universellement applaudi, et d’autant plus loué et admiré qu’il ne le voulut point être. Il fallut donc se tourner ailleurs.

Besons, frère du maréchal, tous deux si attachés et si bien traités et récompensés de M. le duc d’Orléans, tous deux sous leur air rustre, lourd et grossier, si bons courtisans, avoit été transféré de l’archevêché de Bordeaux à celui de Rouen, et Pontoise est de ce dernier diocèse, qui touche ainsi celui de Paris, et s’approche de cette ville à peu de lieues en deçà de Pontoise même. L’abbé Dubois vouloit gagner le temps et s’éviter la honte d’un voyage marqué. Les Besons lui parurent devoir être de meilleure composition que le cardinal de Noailles ; ils en furent en effet. L’archevêque de Rouen donna le dimissoire. Dubois, sous prétexte

  1. On appelait dimissoire la lettre par laquelle un évêque permettait qu’un de ses diocésains fût promu aux ordres ou à l’épiscopat par un autre évêque.