Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/439

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ainsi en bride perpétuelle le roi Georges, sa famille et ses ministres. La position de la France à l’égard de l’Angleterre les inquiétoit sans cesse sur les jacobites qui s’y étoffent réfugiés par la facilité de leurs commerces et de leurs intelligences en Angleterre, et par la facilité d’y passer promptement.

Quelque honteuses preuves qu’eût le gouvernement d’Angleterre de l’abandon de celui de France à ses volontés, depuis que Dubois en étoit devenu l’arbitre unique, ces habiles ministres sentoient combien cette conduite étoit personnelle ; qu’elle ne tenoit qu’au désir de la pourpre que Dubois espéroit du crédit du roi Georges auprès de l’empereur qui, en effet, pouvoit tout à Rome ; que cette conduite étoit essentiellement contraire à l’intérêt de la France et singulièrement odieuse à toute la nation française, grands et petits ; conséquemment qu’elle pouvoit facilement changer, et qu’il étoit de l’intérêt le plus pressant de la maison d’Hanovre et de ses ministres de profiter de leur situation présente avec la France pour la mettre à jamais, autant qu’il étoit possible, hors de moyens de troubler l’Angleterre, d’y favoriser utilement les jacobites, encore plus d’y faire des partis et quelque invasion en faveur des Stuarts. Pour arriver à ce point, il falloit deux choses, s’ôter toute inquiétude à l’égard de la France en la dépouillant de tous ceux qui leur en pouvoient donner, et ruiner en Angleterre tout crédit et toute confiance en la France, par la rendre conjointement avec eux la persécutrice publique et déclarée du ministère de la reine Anne, et de tout ce parti qui seul avoit sauvé la France des plus profonds malheurs par la paix particulière de Londres, la séparation de l’Angleterre d’avec ses alliés, enfin par la paix d’Utrecht, dont la reine Anne s’étoit rendue la dictatrice et la maîtresse, et qui avoit sauvé la France au moment qu’elle alloit être envahie, et la couronne d’Espagne à Philippe V, à l’instant qu’il l’alloit perdre sans la pouvoir sauver.