Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/440

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Le ministère du roi Georges avoit voulu faire sauter les têtes de ce ministère précédent, précisément pour avoir fait la paix de Londres et forcé les alliés aux conditions de celle d’Utrecht, et n’avoit cessé depuis de persécuter ce parti avec la dernière fureur. Mettre la France de moitié de cette persécution effective d’un parti à qui elle devoit si publiquement et si récemment son salut et la conservation de la couronne d’Espagne à Philippe, par complaisance pour le parti opposé, qui ne respira jamais que sa ruine radicale, et qui étoit parvenu à y toucher, c’étoit couvrir la France d’une infamie éternelle à tous égards, et la perdre tellement d’honneur, de réputation, de confiance en Angleterre, vis-à-vis le parti qu’elle contribuoit à y accabler en reconnoissance d’en avoir été sauvée elle-même, qu’une démarche si contraire à tout honneur, pudeur et intérêt, lui aliéneroit à jamais ce parti, qui l’avoit sauvée, avec plus de rage que n’en pouvoit avoir le parti régnant qui l’avoit voulu perdre, qui pour trouver la France si déplorablement complaisante, ne l’en haïssait pas moins, et qui par là trouvoit le moyen de la mettre hors d’état d’en recevoir aucune inquiétude, sans toutefois avoir acheté une démarche si destructive de tout intérêt et de tout honneur, par le plus léger service, par la plus légère apparence de refroidissement avec ses alliés que la France devoit toujours regarder comme véritables ennemis, par la plus petite justice à l’égard de l’Espagne, par la moindre reconnoissance de la servitude par laquelle nous avions pour leur complaire laissé volontairement et si préjudiciable ment éteindre et anéantir notre marine, en un mot, rien autre que d’avoir reconnu le pouvoir sans bornes de l’abbé Dubois sur son maître, et d’en savoir profiter pour en tirer tout, en lui faisant espérer le chapeau.

Je n’avois rien cédé de tout cela à M. le duc d’Orléans, dès le premier traité où cette infamie fut stipulée. On a vu en son lieu combien je m’y opposai dans son cabinet, et depuis au conseil de régence ; je n’oubliai aucune des raisons