Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/441

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qu’on vient de voir, je les paraphrasai plus fortement encore. Le maréchal d’Huxelles, maréchal d’Estrées, plusieurs autres, qui n’osèrent traiter la matière qu’en tremblant, ne laissèrent pas de laisser voir ce qu’ils en pensoient ; Torcy même, dont ces deux paix de Londres et d’Utrecht étoient l’ouvrage, s’éleva plus que sa douceur et sa timidité naturelles ne le lui permettoient ; tout cela ne changea point l’article du traité, mais en suspendit l’effet. Le gouvernement d’Angleterre y consentit, peut-être tacitement informé de la révolte des esprits et du murmure général ; mais les temps étoient venus de ne plus rien ménager. L’affaire du parlement, puis la conspiration du duc du Maine découverte et finie, la paix d’Espagne faite, l’abbé Dubois plus maître que jamais, ses amis les Anglois le sommèrent de sa parole ; il fallut bien la tenir dans la vue plus prochaine de la pourpre ; la proscription effective fut accordée et publiée sans qu’il fût possible à personne de l’empêcher. Les cris publics et l’horreur qui en fut généralement marquée n’en causa aucun repentir ; ce ne fut qu’un sacrifice de plus que Dubois eut à présenter à la cour de Londres pour accélérer sa pourpre, qui ne fut pas plus goûté par tous les Anglois de tous partis, hors celui des ministres, qu’il le fut en France, et on peut ajouter dans tout le reste de l’Europe, qui nous en méprisa, tandis que tout le gros de l’Angleterre nous en détesta ouvertement, et que le parti de son ministère se moqua de notre misérable facilité.

Le roi d’Espagne, qui avoit tant fait et laissé faire de choses en son nom, et avec tant de persévérance pour élever Albéroni à la pourpre, en fit de plus étranges pour l’en faire priver. Il n’y eut point d’instances qu’il n’en fît faire au pape, qu’il ne lui en fît de sa main, et pour l’engager encore de l’enfermer au château Saint-Ange, s’il entroit dans l’État ecclésiastique. Peu content du succès de tant de démarches, et si empressées, il profita de la paix qu’il venoit de faire avec le roi et avec l’empereur, pour les presser de joindre