Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/463

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avoit fort dérangé les affaires. M. de Soubise et le marquis de Noailles eurent chacun deux cent mille livres en présent. Jusqu’à Saint-Geniez, sortant de la Bastille et relégué à Beauvois, ayant d’abord été destiné fort loin, eut une pension de mille francs. Tout le monde, en effet, auroit eu besoin d’une augmentation de revenu, par l’extrême cherté où les choses les plus communes et les plus indispensables, et toutes autres natures de choses étoient montées, qui, quoiqu’à la fin peu à peu diminuées, sont demeurées jusqu’à aujourd’hui bien au-dessus de ce qu’elles étoient avant ce Mississipi. Le marquis de Châtillon, qui a fait depuis une si grande fortune, eut aussi six mille livres de pension en quittant son inspection de cavalerie ; enfin, La Peyronnie, premier chirurgien du roi en survivance de Maréchal, eut huit mille livres de pension.

Un jour de vers la fin d’avril, travaillant avec M. le duc d’Orléans, il m’apprit le mariage du duc de Lorges avec Mlle de Mesmes, et que le premier président lui en avoit demandé son agrément. Je n’en avois pas ouï dire un mot, et la vérité est que je me mis dans une étrange colère. On a vu, en différentes occasions, ce que j’ai fait pour ce beau-frère, et ce qui m’arriva pour l’avoir fait capitaine des gardes, qu’il étoit, s’il avoit voulu se priver de sa petite maison de Livry, dont la vente étoit nécessaire pour parfaire les cinq cent mille livres à donner au maréchal d’Harcourt, qu’il aima mieux garder. Il m’étoit cruel de lui voir épouser la fille d’un homme que je faisois profession d’abhorrer, et que je ne rencontrois jamais au Palais-Royal sans le lui témoigner, et quelquefois par les choses les plus fortement marquées. Je m’en retournai à Meudon où nous étions déjà établis. J’appris à Mme de Saint-Simon cette énormité de son frère, dont elle ne fut pas moins surprise ni touchée que moi. Je lui déclarai que de ma vie je ne le verrois ni sa femme, et que je ne verrois jamais non plus Mme la maréchale de Lorges, ni M. ni Mme de Lauzun, s’ils signoient le