Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/480

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entre le roi d’Angleterre et le prince de Galles, qui avoit éclaté avec de fréquents scandales, et qui avoit partialisé la cour et fait du bruit dans le parlement. Georges s’étoit emporté plus d’une fois contre son fils avec indécence. Il y avoit longtemps qu’il l’avoit fait sortir de son palais et qu’il ne le voyoit plus. Il lui avoit tellement retranché ses pensions qu’il avoit peine à subsister, tellement que le roi eut le dégoût que le parlement lui en assigna, même abondamment. Jamais le père n’avoit pu souffrir ce fils, parce qu’il ne le croyoit point à lui. Il avoit plus que soupçonné la duchesse sa femme, fille du duc de Wolfenbuttel, d’être en commerce avec le comte Koenigsmarck. Il le surprit un matin sortant de sa chambre, le fit jeter sur-le-champ dans un four chaud, et enferma sa femme dans un château, bien resserrée et gardée, où elle a passé le reste de sa vie. Le prince de Galles, qui se sentoit maltraité pour une cause dont il étoit personnellement innocent, avoit toujours porté avec impatience la prison de sa mère et les effets de l’aversion de son père. La princesse de Galles, qui avoit beaucoup de sens, d’esprit, de tour et de grâces, avoit adouci les choses tant qu’elle avoit pu, et le roi n’avoit pu lui refuser son estime, ni se défendre même de l’aimer. Elle s’étoit concilié toute l’Angleterre, et sa cour, toujours grosse, l’étoit aussi en ce qu’il y avoit de plus accrédité et de plus distingué. Le prince de Galles s’en autorisoit, ne ménageoit plus son père, s’en prenoit à ses ministres avec une hauteur et des discours qui à la fin les alarmèrent. Ils craignirent le crédit de la princesse de Galles, et de se voir attaqués par le parlement qui se donne souvent ce plaisir. Ces considérations devinrent de plus en plus pressantes par tout ce qu’ils découvrirent qui se brassoit contre eux, et qui auroit nécessairement rejailli sur le roi. Ils lui communiquèrent leurs craintes, ils les lui donnèrent, et le conduisirent à se raccommoder avec son fils à certaines conditions, par l’entremise de la princesse de Galles, qui de son côté sentoit tous