Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/494

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la porte d’entrée ; ce qui coûtera grande dépense, et M. le chancelier va être une année sans pouvoir habiter cet hôtel. Mais le pire est que cela coûte à l’État ; ce qui scandalise le public.

« La marquise de Pompadour paroîtra à Marly avec une robe qui est garnie de dentelles d’Angleterre pour plus de vingt-deux mille cinq cents livres.

« Tous payements sont retardés. M. le duc d’Orléans m’a dit hier que ses pensions et tout ce qu’il reçoit au trésor royal étoient retardés présentement de deux années et un quartier, ce qui est de cinq quartiers plus qu’à l’ordinaire. »

Et ailleurs :

« Les receveurs des tailles font de grosses fortunes en peu de temps par les frais énormes des recouvrements : chaque habitant est à leur merci et craint l’augmentation de la taille chaque année. Ils sont surchargés d’impôts, gagnent peu, voient tout l’argent aller à Paris ; toute industrie, toute aisance est découragée : de là vient cette ruine générale en France. »


II. VÉNALITÉ DES CHARGES.


Page 254.


Il est souvent question dans les Mémoires de Saint-Simon, et notamment dans le présent volume, de la vénalité des charges Comme cet abus de l’ancienne France remontoit à une époque reculée, et que les détails n’en sont pas connus de tous les lecteurs, il est nécessaire d’en rappeler l’origine et le caractère.

En 1512, Louis XII, manquant de ressources pécuniaires pour soutenir la guerre contre la maison d’Autriche, commença à vendre des offices de finances et même quelques charges de judicature, par exemple des offices de baillis et de conseillers au parlement. Au premier aspect, on s’indigne d’un trafic qui livroit au plus offrant les charges d’où dépendent la vie et l’honneur des citoyens, et il faut bien reconnoître que, dans la suite, la vénalité des offices fut féconde en abus et en scandales. Cependant on ne doit pas oublier que ce fut une des principales causes de l’élévation des classes inférieures, qui, enrichies par le commerce, purent acquérir des charges de magistrature. Un des contemporains de Louis XII, Claude de Seyssel, étoit déjà frappé de cette révolution. Après avoir indiqué que la nation française est divisée en trois classes, tiers état, magistrature et noblesse, il ajoute [1] : « Si peut un chacun du dernier état parvenir au

  1. Traité de la monarchie, première partie, chap. XVII.