Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/497

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en parle souvent. Mais c’est surtout dans le Journal inédit de Foucault [1] que l’on trouve la preuve de ces créations d’offices, multipliées par la fiscalité. Il suffira d’en citer quelques passages : « En février 1693, j’ai reçu l’édit et l’arrêt du conseil que M. de Pontchartrain m’a envoyé au sujet des charges de contrôleur commissaire et trésorier de l’arrière-ban [2]. — Le roi a créé des charges d’essayeurs d’étain. — En 1694, il a été créé, par un édit, des colonels, majors et autres officiers de milices bourgeoises des villes et bourgs du royaume. J’ai proposé de les faire prendre (ces charges) par les mieux accommodés des bourgeois [3]. — Le 9 janvier, M. de Pontchartrain m’a envoyé l’édit portant création des certificateurs des criées. — Le roi a créé des médecins et chirurgiens royaux. — Il a été créé des offices de greffiers alternatifs [4] des rôles des tailles dans les paroisses. — Au mois d’octobre 1696, le roi a créé, par un édit, des offices de gouverneurs héréditaires dans toutes les villes closes du royaume, à l’exception de celles où il y a des provisions du roi et des appointements employés dans les États de Sa Majesté. Ces charges ont été fort recherchées et bien vendues. »

Cette nomenclature, qu’il seroit facile de prolonger, prouve à quel excès avoit été portée la vénalité des charges. Elle s’étendoit à l’armée, et Saint-Simon a dit avec raison : « Cette vénalité est une grande plaie dans le militaire, et arrête bien des gens qui seroient d’excellents sujets. C’est une gangrène qui ronge depuis longtemps tous les ordres et toutes les parties de l’État. » Malgré ces abus, la vénalité des charges trouva des apologistes au XVIIIe siècle. Montesquieu l’a défendue dans le passage suivant de l’Esprit des Lois [5]  ; « Cette vénalité est bonne dans les États monarchiques, parce qu’elle fait faire, comme un métier de famille, ce qu’on ne voudroit pas entreprendre pour la vertu ; qu’elle destine chacun à son devoir, et rend les ordres de l’État plus permanents. » La vénalité des charges de judicature, supprimée en 1771, par le président Maupeou, fut rétablie en 1774, et a duré jusqu’à la révolution française.

  1. J’ai déjà plusieursfoiscité ce journal de Foucault, qui est conservé dans le dépôt des mss. de la Bib. impériale.
  2. Ibidem. fol. 82.
  3. Ibidem, fol. 87.
  4. C’est-à-dire remplissant alternativement l’office de greffiers des rôles.
  5. Liv. V, chap. XIX, éd. de Ch. Lahure, t. I, p. 61.