Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/76

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la déclaration de guerre, ce qui se fit en même temps. J’y reviendrai ensuite, parce que j’ai prévenu le temps de ma conversation du Palais-Royal, comme j’ai retardé celle de l’Opéra, parce que j’ai voulu les mettre tout de suite toutes les deux, quoique séparées d’un long intervalle pour mettre tout à la fois sous les yeux ce qui se passa entre M. le duc d’Orléans et moi sur la guerre d’Espagne. Retournons maintenant un peu sur nos pas.

Le colonel Stanhope, depuis longtemps envoyé d’Angleterre en Espagne, arriva à Paris, retournant en Angleterre.

Barnaville, qui, de lieutenant de roi de Vincennes, avec la charge de confiance des prisonniers, avoit passé au gouvernement de la Bastille, venoit de mourir. Launay, qui en étoit lieutenant de roi, eut ce gouvernement, et ce fut un très bon choix. J’en parle ici, parce qu’il y fut mis dans un temps important et critique.

Cellamare, ambassadeur d’Espagne, de beaucoup de sens et d’esprit, s’employoit depuis longtemps à préparer bien des brouilleries, comme on le voit par ce que j’ai donné des extraits des lettres de la poste faits par M. de Torcy. On y voit combien le cardinal Albéroni avoit cette affaire dans la tête, et avec quel empressement Cellamare y répondoit pour lui plaire. Le projet n’étoit pas de moins que de révolter tout le royaume contre le gouvernement de M. le duc d’Orléans, et, sans avoir vu clair à ce qu’ils comptoient faire de sa personne, ils vouloient mettre le roi d’Espagne à la tête des affaires de France, avec un conseil et des ministres nommés par lui et un lieutenant sous lui de la régence qui auroit été le véritable régent, et qui n’étoit autre que le duc du Maine. Ils comptoient sur les parlements, à l’exemple de celui de Paris ; sur les chefs et les principaux moteurs de la constitution, sur la Bretagne entière, sur toute l’ancienne cour accoutumée au joug des bâtards et de Mme de Maintenon, et depuis longtemps ils ne cessoient d’attacher tous ceux qu’ils pouvoient à l’Espagne par toutes sortes de prestiges,