Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’abbé Dubois, » qui étoit là présent ; puis, en le regardant, il ajouta : « Il a été maquereau toute sa vie, ce ne sont là dedans que lettres de femmes. » L’abbé se mit à rire, n’osant pas se fâcher. Ce fut apparemment un bon mot que Cellamare voulut lâcher. Il étoit vieux déjà, il le paraissoit encore plus que son âge. Il avoit beaucoup d’esprit, de savoir et de capacité, et tout cela tourné au solide, nulle sorte de débauche, et toute sa galanterie n’étoit que pour le commerce du grand monde, pénétrer ce qu’il vouloit savoir, faire et entretenir des partisans au roi d’Espagne et semer sans imprudence le mécontentement du régent ; c’étoit donc là uniquement ce qui l’engageoit à se mêler avec choix dans les meilleures compagnies. Du reste, fort retiré chez lui à lire ou à travailler. Au moment de son arrivée chez lui avec ses deux acolytes, un détachement de mousquetaires s’empara des portes et de la maison.

Quand tout fut visité, le scellé du roi et le cachet de l’ambassadeur furent mis sur tous les bureaux et les cassettes qui renfermoient des papiers [1]. L’abbé Dubois et Le Blanc s’en allèrent ensemble rendre compte au régent, et laissèrent auprès de l’ambassadeur les mousquetaires pour le garder lui et ses domestiques, et du Libois, un des gentilshommes ordinaires du roi, comme il se pratique toujours d’en laisser un auprès des ambassadeurs dans les fâcheuses occasions. Celui-ci avoit beaucoup d’esprit et d’entendement, et avoit presque toujours été choisi pour ces tristes commissions.

J’appris ce matin chez moi la capture de Poitiers, sans avoir rien su de ceux qui y furent arrêtés. Comme j’étois à table, il vint un garçon rouge me dire de la part de M. le duc d’Orléans de me trouver à quatre heures aux Tuileries pour le conseil de régence. Comme ce n’étoit pas jour d’en tenir, je lui demandai ce qu’il y avoit donc de nouveau. À

  1. Voy. dans l’ouvrage de Lemontey (ibid., p. 220-221) la liste des pièces qui furent saisies chez Cellamare ; elle a été dressée d’après les documents conservés aux archives des affaires étrangères.