Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/88

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étoient à Paris, de cette affaire, et il ordonna à l’abbé Dubois de rendre compte au conseil de ce qu’il avoit fait chez Cellamare, de quelle façon cela s’étoit passé avec cet ambassadeur, et de lire ensuite au conseil deux lettres de ce ministre au cardinal Albéroni, trouvées dans les papiers apportés de Poitiers.

L’abbé Dubois balbutia un récit court et mal en ordre de ce qu’il avoit fait chez l’ambassadeur, et s’étendit davantage sur l’importance de la découverte et sur celle de ce qu’on voyoit déjà de la conspiration. Les deux lettres qu’il lut ne laissèrent point douter que Cellamare ne fût à la tête de cette affaire, et qu’Albéroni n’y entrât aussi avant que lui. On fut aussi très scandalisé des expressions de ces lettres sur M. le duc d’Orléans, qui n’étoient ménagées ni en choses ni en termes.

Ce prince reprit la parole pour témoigner avec beaucoup de modération qu’il ne soupçonnoit point le roi ni la reine d’Espagne d’entrer dans une affaire de cette nature ; qu’il ne l’attribuoit qu’à la passion d’Albéroni et à celle de l’ambassadeur pour lui plaire, et qu’il en demanderoit justice à Leurs Majestés Catholiques. Il remontra ensuite l’importance de ne rien négliger pour l’entier éclaircissement d’une affaire si capitale au repos et à la tranquillité du royaume, et finit par dire que, jusqu’à ce qu’il en sût davantage, il ne vouloit nommer personne de ceux qui pouvoient y être entrés. Tout ce discours fut fort applaudi, et je crois qu’il s’en trouva dans la compagnie qui se sentirent bien à leur aise quand ils entendirent que le régent ne vouloit nommer ni laisser répandre de soupçons sur personne jusqu’à ce qu’il fût plus éclairci.

Néanmoins, dès le lendemain matin, samedi dix décembre, Pompadour fut arrêté à huit heures, comme il se levoit, et conduit à la Bastille. Mme de Pompadour et Mme de Courcillon, sa fille, et belle-fille de Dangeau, allèrent au Palais-Royal. M. le duc d’Orléans leur fit faire excuse de ce qu’il