Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/106

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caché sous la cendre, tout ce qui s’appeloit la vieille cour, c’est-à-dire presque tous les plus grands seigneurs, enfin le parlement et toute la robe que le maréchal de Villeroy avoit toujours bassement courtisée, et qui l’aimoit et le considéroit comme un protecteur.

Quelque fortes que fussent ces raisons, elles ne persuadèrent point M. le duc d’Orléans : il ne sut trop que répondre, parce qu’elles étoient péremptoires, mais le maréchal de Villeroy étoit une guêpe qui l’infestoit et que la vue du futur auprès du roi lui rendoit encore plus odieuse. Voir, par rapport à Son Altesse Royale, ce jeune monarque entre les mains du maréchal de Villeroy ou entre les miennes, étoit un contraste si puissant sur lui qu’il ne s’en put déprendre, et qui forma deux longues conversations fort vives entre lui et moi. Depuis le lit de justice des Tuileries, j’étois demeuré en grande familiarité, et même fort en confiance avec M. le Duc. Le régent en étoit bien aise, et tous deux se servoient de moi l’un envers l’autre assez souvent. M. le duc d’Orléans espéra apparemment plus de force sur moi en joignant M. le Duc à lui ; car je vis entrer Millain chez moi un matin deux jours après, qui, à ma grande surprise, me dit que M. le Duc l’avoit chargé de me dire que M. le duc d’Orléans ne lui avoit pas caché son désir de me faire gouverneur du roi, et ma résistance ; qu’il trouvoit que M. le duc d’Orléans avoit toutes sortes de raisons les plus solides d’ôter le maréchal de Villeroy d’auprès du roi, et n’avoit pas un meilleur choix, ni un autre choix à faire que de moi pour mettre en cette place, ni de qui que ce pût être que lui, M. le Duc, désirât davantage. Là-dessus, Millain se mit sur son bien-dire, tant pour l’expulsion du maréchal de Villeroy que pour me cajoler, m’enivrer, s’il avoit pu, de louanges et de persuasions, sans avoir pu faire ni l’un ni l’autre ne le priai d’abord de témoigner à M. le Duc combien j’étois sensible à une si grande marque de son estime et de sa bienveillance, et que, si quelque chose, après la volonté de M.