Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/112

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laissa pas de se reprendre aux branches et d’insister sur ma réputation, qui ne pouvoit jamais être tant soit peu attaquée. Je lui répondis que je m’en flattois parce que je m’étois conduit toute ma vie principalement vers ce but, mais que le moyen le plus certain de la conserver entière, sans tache et sans rides, étoit de ne l’exposer pas à aucun des cas qui pourroit la gâter quelque injustement que ce pût être, et de n’être ni assez présomptueux à cet égard, ni assez ambitieux pour risquer quoi que ce pût être, qui pût entraîner sur elle le doute le plus léger, quoique le plus visiblement mal fondé. Je finis une conversation qui consomma presque toute cette matinée, par l’assurer que je ne serois ébranlé par rien, que j’étois las de tant de redites, sur une matière plus qu’épuisée ; que je conjurois M. le Duc que je n’en entendisse plus parler et que je ferois la même déclaration à M. le duc d’Orléans ; je la lui fis en effet deux jours après, sur ce qu’il me pressa encore. Néanmoins, il se fonda encore en raisonnements, c’est-à-dire que les mêmes sur le maréchal de Villeroy et sur moi furent amplement rebattus, parce qu’il n’y avoit plus rien de nouveau à en dire. Il me demanda plusieurs fois si je le voulois livrer en proie au maréchal de Villeroy, et je vis combien il étoit touché et frappé de la différence, pour lui, de voir le roi entre de telles mains ou entre les miennes. En cela il n’avoit pas tort ; mais, comme je l’ai déjà dit, d’autres considérations plus fortes par un grand malheur devoient l’emporter pour conserver le maréchal de Villeroy dans sa place ; et quoique véritablement sensible à la peine de M. le duc d’Orléans de mon refus, ma réputation et mon honneur m’étoient trop chers pour les exposer le moins du monde, outre mes autres raisons, qui ont été expliquées.

Je comptai donc l’affaire finie à mon égard, et que faute de trouver quelque autre bien à point, le maréchal de Villeroy conserveroit sa place, comme en effet il arriva. Mais à mon égard, la persécution, si j’ose me servir de ce terme,