Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/114

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par ma contenance, je fis entendre à Millain que tout étoit épuisé, et civilement qu’il n’avoit qu’à s’en aller. Telle fut la fin finale de cette affaire dont les deux princes ni Millain ne me parlèrent plus. M. le duc d’Orléans fut un peu fâché ; mais avec moi surtout ses fâcheries étoient légères et courtes. Pour M. le Duc, il me parut qu’il se paya, quoique à regret, de raison. Mon refus opéra la conservation du maréchal de Villeroy auprès du roi, faute, comme je l’ai dit, de trouver de qui la remplir.

M. le duc d’Orléans conta tout cela à l’abbé Dubois ; je l’appelle toujours ainsi, quoique sacré archevêque de Cambrai. On a vu ailleurs ici que souvent les choses intérieures les plus secrètes transpiroient du Palais-Royal et se savoient au dehors. Le maréchal de Villeroy apprit le risque qu’il avoit couru, et qu’il n’avoit tenu qu’à moi d’avoir sa place. Tout autre que lui auroit pu en être piqué contre M. le duc d’Orléans et contre M. le Duc, mais m’auroit su gré de mon refus et de ma conduite qui l’avoit conservé, d’autant que ce n’étoit pas pour la première fois, ni même pour la seconde, que pareil cas étoit arrivé, comme on, l’a pu voir ici en son temps, quoique avec moins de dispute et de longueur.

Ce sentiment à mon égard ne fut pas celui du maréchal de Villeroy. Trop fâché pour se contenir, trop bas et trop timide pour s’en prendre au régent, quoique si hardi en d’autres choses, mais qui alloient à ses projets, dont la cheville ouvrière étoit sa place auprès du roi, qu’il ne vouloit pas hasarder par une scène avec M. le duc d’Orléans, des intentions duquel et de celles de M. le Duc il ne pouvoit douter, il s’en prit honteusement à la partie foible, dont pourtant l’opiniâtre refus l’avoit sauvé. Il renouvela donc ses anciennes plaintes là-dessus et son ancien dépit contre moi. Malheureusement pour lui il ne sut et ne put par ou me prendre. Il eut recours à de misérables généralités et à aboyer à la lune. Cela me revint bientôt et de plusieurs