Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/128

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que, quand vous avez voulu quelquefois me mettre sur ces chapitres, je n’y ai jamais pris, et toujours détourné la conversation à autre chose sur-le-champ. Est-ce donc là, monsieur, vouloir vous faire faire tout ce qui me plaisoit, et quand vous a plu à vous de faire si souvent tout l’opposé de ce qui m’affectoit le plus, m’avez-vous vu après moins attaché à vous et moins occupé de votre intérêt et de votre avantage ? Sur les affaires publiques, vous m’avez trouvé également fidèle à ce que j’ai cru de l’intérêt de l’État, à vous le représenter, tout le plus fortement de raisons qu’il m’a été possible, à demeurer inébranlable dans mon avis quand ce que vous ou vos ministres y ont opposé ne [m’a] pas paru solide, à vous proposer de m’abstenir du conseil quand vous y craindriez que mon opposition préjudiciât à ce que vous aviez à cœur d’y faire passer, et à m’en abstenir en effet, sous prétexte de quelque incommodité ; toutes les fois que vous l’avez désiré ; il me semble donc, monsieur, que mes réponses à vos reproches, tant en gros qu’en détail, sont catégoriques, plus que suffisantes et sans aucune sorte de réplique. J’attends la vôtre, si tant est que vous en trouviez, et cependant je n’en puis être en peine. »

M. le duc d’Orléans demeura quelque temps sans parler. Il étoit la tête basse comme quand il se sentoit embarrassé et peiné, tantôt marchant, tantôt nous arrêtant pendant cette conversation. Rompant enfin le silence, il se tourna à moi, et me dit en souriant que tout ce que j’avois dit étoit vrai, et qu’il ne falloit plus penser à tout cela ; qu’il étoit vrai que ce groupe de refus s’étoit présenté à lui sous une autre face, et l’avoit fâché, et que je voyois qu’il n’avoit pas été longtemps sans me le dire franchement ; mais qu’encore une fois il n’y falloit plus penser et parler d’autre chose. « Très volontiers, lui répondis-je, monsieur, mais qu’il me soit permis aussi de vous parler franchement à mon tour. Vous avez été conter à l’abbé Dubois ce que je vous dis dernièrement du traité d’Angleterre et d’Espagne, et de sa conduite