Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/129

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énorme pour obtenir un chapeau par le ricochet du roi d’Angleterre à l’empereur et de l’empereur au pape, et de là cet honnête prêtre et si désintéressé vous a mis dans la tête tous ces potages réchauffés que vous venez si bien de m’étaler et que j’ai encore mieux fait fondre. Avouez-moi la vérité. — Mais, me répondit-il d’un air honteux et embarrassé au dernier point, cela est vrai, c’est l’abbé Dubois qui m’a rabâché tous ces refus, qui m’a poussé et qui m’a fâché contre vous. — Hé bien ! monsieur, lui répliquai-je, mes réponses vous ont-elles pleinement satisfoit ? — Oui, me dit-il, il n’y a rien à y répondre ; je le savois bien, mais il m’a embrouillé l’esprit. »

La même faiblesse qui lui avoit fait tout dire à l’abbé Dubois, et recevoir de lui, malgré toute sa connoissance, les impressions qu’il avoit voulu lui donner contre moi, fit le même effet lorsqu’à mon tour je le tins tête à tête, opéra le renouvellement de sa première conviction sur ma conduite, dès que je la lui justifiai ainsi en détail, enfin l’aveu implicite d’avoir révélé à l’abbé Dubois ce que je lui avois dit de lui, et l’aveu formel que c’étoit l’abbé Dubois qui lui avoit aigri l’esprit contre moi et fourni les reproches qu’il m’avoit faits. Alors je le suppliai de réfléchir en quelles mains il s’étoit livré, et si qui que ce soit leur pouvoit échapper, si son plus ancien et son plus assuré serviteur n’en étoit pas hors de prise, et sur choses hors de toute sorte de raison et connues pour telles par Son Altesse Royale, et ce que pourroit devenir tout homme hors de portée de sa privance et d’explications avec elle, toutes les fois qu’il plairoit à l’abbé Dubois de l’écarter et de le perdre. « Vous avez raison, me répondit M. le duc d’Orléans dans la dernière honte, à ce qu’il me parut ; je lui défendrai si bien et si sec de me parler de vous que cela ne lui arrivera plus. Allons, qu’avez-vous pour aujourd’hui ? » J’eus pitié, si je l’ose dire, de l’état où je le vis. Je ne répondis rien, et je me mis à lui rendre compte de ce que j’avois pour ce jour-là. Peu après il entra