Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/158

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M. le duc d’Orléans me confie le traité fait du mariage du roi avec l’infante d’Espagne, et de sa fille avec le prince des Asturies. — Conversation curieuse entre lui et moi là-dessus. — J’obtiens l’ambassade d’Espagne pour faire mon second fils grand d’Espagne. — J’obtiens pour ma dernière belle-soeur l’abbaye de Saint-Amant de Rouen. — Audience de congé, caractère et traitement de l’ambassadeur turc. — Prince de Lixin fait grand maître de Lorraine en épousant une fille de M. et de Mme de Craon. — Son caractère et sa fin. — Mariage du marquis de Villars avec une fille du duc de Noailles. — Caractère de cette dame. — Mariage du duc de Boufflers avec une fille du duc de Villeroy.


Le chevalier de Sully, devenu duc et pair par la mort, sans enfants, de son frère aîné, dont la veuve venoit de mourir, étoit depuis bien des années amoureux de la fille de la fameuse Guyon, dont il a été parlé ici en son temps, qu’elle avoit mariée à de Vaux, fils aîné de l’infortuné surintendant Fouquet, dont elle étoit veuve sans enfants depuis plusieurs années. Il y avoit longtemps que la duchesse du Lude, veuve, riche, sans enfants, qui avoit été dame d’honneur de Mme la duchesse de Bourgogne pressoit et faisoit presser le duc de Sully, fils de son frère, de se marier. Son attachement pour Mme de Vaux la désoloit, elle en craignoit la vile alliance qui par l’âge, plus encore par l’excessif embonpoint, ne promettoit pas d’enfants, qu’elle souhaitoit passionnément de voir à son neveu. Elle lui promettoit de lui donner tout son bien par un mariage sortable, et le menaçoit de l’en priver, s’il poussoit à bout un attachement si disproportionné et apparemment stérile ; mais l’affaire en étoit faite dans le plus grand secret, pour ne pas révolter la duchesse du Lude, et couler ainsi le temps en écartant tous les mariages jusqu’à sa mort, que l’âge et une goutte continuelle laissoient voir peu éloignée. Ce manège dura si longtemps, qu’il les ennuya tous trois. Sully, plus attaché que jamais à celle qu’il avoit épousée, ne pouvoit plus user sa vie dans la contrainte de ce secret. L’épouse aimée l’y poussoit dans l’extrême désir du rang et de l’état