Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/172

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reprocher à l’âge de mon fils : « Mais je vous demande pour lui une chose sans conséquence pour qui que ce soit, qui lui donne le rang et les honneurs de duc, qui est une suite naturelle d’une ambassade pour faire le mariage du roi, et que personne ne peut qu’approuver que vous me la donniez et en vue de cette grandesse. » M. le duc d’Orléans eut peine à me laisser achever, me l’accorda tout de suite et tout ce qu’il falloit de sa part pour obtenir la grandesse pour le marquis de Ruffec, l’assaisonna de beaucoup d’amitié, et m’en demanda un secret sans réserve et de ne rien montrer par aucun préparatif qu’il ne m’avertit d’en faire.

J’entendis bien qu’outre le secret de l’affaire même il vouloit avoir le temps de tourner son Dubois et de lui en faire avaler la pilule. Mes remerciements faits, je lui demandai deux grâces, l’une de ne me point donner d’appointements d’ambassadeur, mais de quoi en gros en faire la dépense sans m’y ruiner, l’autre de ne me charger d’aucune affaire, ne voulant pas le quitter, et d’une affaire à l’autre prendre racine en Espagne, d’autant que je n’y voulois aller que pour avoir la grandesse pour mon second fils et revenir tout court après. C’est que je craignis que Dubois, ne pouvant empêcher l’ambassade, m’y retînt en exil pour se défaire de moi ici, sous prétexte d’affaires en Espagne, et je vis bien par l’événement, que la précaution n’avoit pas été inutile. M. le duc d’Orléans m’accorda l’un et l’autre avec force propos obligeants sur ce qu’il ne désiroit pas que mon absence fût longue. Je crus ainsi avoir fait une grande affaire pour ma maison et me retirai chez moi fort content. Mais, mon Dieu, qu’est-ce des projets et des succès des hommes !

Peu de jours après il m’accorda l’abbaye de Saint-Amand dans Rouen pour la dernière sœur de Mme de Saint-Simon, religieuse du même ordre à Conflans, très bonne religieuse, qui eut bien de la peine à se résoudre à l’accepter, et qui