Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/247

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ces ordres m’avoient été donnés ; que si, au contraire, je ne les exécutois pas, car il m’avoir bien prescrit de rendre compte de leur exécution, il se donneroit beau jeu à m’accuser d’avoir sacrifié l’honneur du roi et la dignité de sa couronne à l’intérêt de plaire en Espagne pour en obtenir grandesse et Toison, et me faire défendre de les accepter pour mes enfants. C’eût été moins de vacarme sur le nonce ; mais si j’avois pris place au-dessus de lui, il s’attendoit bien que la cour de Rome en demanderoit justice, et que cette justice entre ses mains seroit un rappel honteux.

Ce détroit me parut si difficile que je résolus de ne rien omettre pour faire changer ces ordres, et je ne crus pas que M. le duc d’Orléans pût résister à l’évidence de ce qui les combattoit, et à l’exemple constant de tous ceux qui m’avoient précédé dans le même emploi. Je me trompai : j’eus beau en parler à M. le duc d’Orléans, je ne trouvai que faiblesse sous le joug d’un maître, d’où je jugeai ce que je pouvois espérer pendant mon éloignement. J’insistai à plusieurs reprises, toujours inutilement, et tous deux se tinrent fermés [1] à me dire que, si les précédents ambassadeurs avoient fait les premières visites, ce n’étoit pas un exemple pour moi dans une ambassade aussi solennelle et aussi distinguée que celle que j’allois exercer ; et qu’à l’égard du nonce et du grand maître, l’exemple de précéder quiconque étoit formel au mariage de la reine Marie-Louise, fille de Monsieur, avec Charles II. Je représentai sur les visites que quelque solennelle et quelque distinguée que fût l’ambassade dont j’étois honoré, elle ne donnoit point de rang supérieur à celui des ambassadeurs extraordinaires ; que je l’étois, et que je ne pouvois prétendre rien de plus qu’eux, quelque différence qu’il y eût pour l’agrément entre l’affaire dont j’étois chargé et les autres sortes d’affaires. Sur l’exemple du mariage de

  1. Il y a dans le manuscrit fermés, et non fermes ; fermés est pris dans le sens de résolus, affermis.