Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/308

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étranger avec un collègue si disproportionné et avec qui je ne pouvois éviter des rapports nécessaires ; et, s’il faut tout dire, le mépris extrême que j’en conçus de lui ; enfin le doute, si la scélératesse étoit de son cru ou concertée et commandée par le cardinal Dubois, toutes ces raisons me résolurent au parti que je pris là-dessus, jusqu’à glisser légèrement ou éviter de répondre à beaucoup de seigneurs, qui m’en parlèrent sans ménagement pour lui, parce qu’il étoit fort haï de toute la cour d’Espagne, et jusque de la ville de Madrid et même du bas peuple, comme j’aurai lieu de le répéter ailleurs ; mais, tout en politesse et en conduite ordinaire avec lui, je m’en gardai comme d’un très impudent fripon, et je ne fus pas fâché de l’en laisser souvent apercevoir, sans toutefois lui laisser la plus légère occasion de plainte.

Le lendemain du départ du roi, 20 novembre, pour achever cette matière, Maulevrier vint le matin chez moi avec Robin, et m’apporta la lettre du cardinal Dubois, par laquelle il lui mandoit nettement qu’il ne doit y avoir qu’un instrument du contrat de mariage, signé en la langue du pays de la princesse où on contracte, et qu’il suffit d’en faire expédier une copie traduite en l’autre langue, certifiée par le même secrétaire d’État qui a reçu le contrat. C’étoit précisément ce que Grimaldo nous avoit dit chez lui et ce qui me fit demeurer d’accord avec lui de différer jusqu’à Lerma à voir de quoi je me pourrois contenter.

Il venoit de m’arriver un courrier de Burgos avec de meilleures nouvelles de mon fils aîné. Ce courrier avoit rencontré le roi et la reine d’Espagne, qui l’avoient fait approcher de leur portière à la vue de ma livrée. Ils s’étoient informés des nouvelles de mon fils et [avoient] chargé le courrier de me dire de leur part la joie qu’ils avoient de l’apparence de la guérison. J’avois donc à écrire au marquis de Grimaldo pour remercier par lui Leurs Majestés Catholiques de ces marques de bonté. J’y ajoutai ce que Maulevrier venoit de